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[Bibliothèque Vergès] 

Suzanne BERNARD 

Le rêve chinois


Édition originale.

Envoi autographe signé.


"« Vergès… Mais quel Vergès ? Il y en a eu tellement. J’en ai connu de très différents, mais la période de l’Algérie a été la plus indiscutable », commente Georges Kiejman, qui l’a croisé à différentes étapes de sa vie.

Commençons par l’Algérie donc. On est en 1957. Vergès entre dans le collectif des avocats du Front de libération national (FLN) et s’engage à fond pour l’indépendance de l’Algérie. Tellement qu’en 1963, en secondes noces, il épouse la militante du FLN Djamila Bouhired, après l’avoir sauvée de la peine de mort. L’avocat qui s’était rêvé, lors de son enfance à la Réunion, « général en chef ou écrivain » a déjà un passé. À 17 ans, il s’est engagé dans les Forces françaises libres à Londres et a parcouru l’Europe en guerre. En 1945, il regagne Paris, s’inscrit au PCF et devient président de l’association des étudiants coloniaux. Là, il rencontre Pol Pot, le futur khmer rouge.


Stasi. En 1970, rideau. Débute un suspens qui va durer huit ans. Laissant femme et enfants, Vergès disparaît. Ces derniers, racontait-il, n’ont jamais posé aucune question. À celles, nombreuses, de la presse, il n’expliquera jamais la teneur de ces « grandes vacances » passées « très à l’Est de la France », comme il aimait à éluder. Était-il au Cambodge au côté de Pol Pot chez les Khmers rouges ? Dans les pays de l’Est, exfiltré par la Stasi est-allemande ? Ou au Katanga pour une affaire de gros sous ? S’est-il engagé pour défendre la cause palestienne comme le pense Barbet Schroeder ? Une hypothèse cohérente. « Le seul engagement de sa vie, c’est l’anticolonialisme », estimait dans Libération Thierry Jean-Pierre, l’ancien juge, à l’occasion d’un portrait consacré à l’avocat en 2002.

En 1978, Jacques Vergès rentre en France et remet sa robe. Il construit alors minutieusement son personnage de « salaud lumineux », du nom d’un de ses livres. Il aime à être détesté car il sait qu’il fascine. Il avouera un jour : « J’ai le culte de moi-même. » Il défend la terroriste d’extrême gauche Magdalena Kopp. Puis, en 1987, c’est le procès Klaus Barbie. « On s’aimait bien, à l’époque, avait confié à Libération Isabelle Coutant-Peyre, devenue associée de Vergès au début des années 80. Il se passionnait pour de petites affaires de droit commun, disant que dans tout dossier, il y a un roman. C’était un séducteur, à sa manière. Il aimait passionner les gens. » Mais elle gardait une dent contre lui : « C’est un faux intellectuel. Il apprend des trucs par cœur tous les jours. Quand il donne l’impression de faire un éclat, en fait, c’est préparé. Mais il est quand même exceptionnellement intelligent. »


« Doutes ». Pour les acteurs et témoins du procès Barbie, ce n’est pas l’engagement de l’avocat auprès d’un ancien nazi qui a choqué. Mais ses propos envers les victimes, les doutes qu’il a fait naître sur la sincérité de l’engagement des époux Aubrac… « C’était atroce, moche, tranche Me Kiejman. Mais était-il antisémite ? Je ne le crois pas, ou bien il a feint de ne pas savoir que j’étais juif… Moi, j’ai toujours eu droit à un dédain modéré. » Impossible de dresser ensuite la liste exhaustive de ses clients. Vergès a plaidé pour Louise-Yvonne Casetta, la trésorière occulte du RPR. Pour le jardinier Omar Raddad. Il fut également le défenseur de Carlos, Saddam Hussein ou de l’ancien dirigeant khmer rouge Khieu Samphan. Plus étonnant, en 1996, le voilà avocat des petits actionnaires de Bernard Tapie Finances (BTF), contre le Crédit lyonnais dans l’affaire de la vente d’Adidas.

Il fait un petit tour dans les tribunaux corses, où il ne s’implantera pas. En 2010, dernier combat, il défend Laurent Gbagbo au côté de Roland Dumas. « Jacques Vergès était l’unique monstre sacré du barreau français », a réagi vendredi Francis Vuillemin, l’un des trois défenseurs de Maurice Papon au procès de Bordeaux. D’ordinaire, on ne dit pas du mal d’un mort. Le concert des louanges aurait donc pu s’élever, ainsi, à l’infini. Mais ce disparu-là aimait tant la provocation que Me Alain Jakubowicz, le président de la Licra, qui représentait le Consistoire israélite de France lors du procès Barbie, s’en est permis une petite. « Je ne suis pas surpris des propos laudateurs à son sujet, mais je pense que s’il pouvait lire et entendre ce qu’on dit de lui aujourd’hui, il nous ferait à tous un immense bras d’honneur. » Agrémenté de ce petit sourire, impassible ou mystérieux, énervant ou fascinant.


Jusque dans ses dernières heures, Jacques Vergès semble avoir maîtrisé la mise en scène de son existence. Jeudi soir peu après 20 heures, à l’âge de 88 ans (ou était-ce 89 ?) l’avocat aux petites lunettes rondes et visage impassible est décédé dans la chambre où Voltaire aurait poussé son dernier soupir le 30 mai 1778. « L’avocat de la terreur », comme l’avait désigné Barbet Shroeder dans un documentaire qui lui était consacré, était hébergé chez des amis dans un appartement quai Voltaire à Paris, depuis une mauvaise chute. « Un lieu idéal pour le dernier coup de théâtre que devait être la mort de cet acteur né », ont même osé dans un communiqué les éditions Pierre Guillaume de Roux, qui avaient publié ses mémoires en février. Plus prosaïque, Christian Charrière-Bournazel, le président du Conseil national des barreaux qui avait dîné avec lui il y a une dizaine de jours, a expliqué que l’avocat « avait fait une chute il y a quelques mois et, du coup, était très amaigri, marchait très lentement. Il avait des difficultés à parler, mais intellectuellement il était intact. On savait que c’était ses derniers jours, mais on ne pensait pas que ça viendrait aussi vite »".



Violette Lazard, in Libération, 16 août 2013. 







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