Le Christ cosmique


  • Broché: 339 pages
  • Editeur : Albin Michel (1 décembre 1995)
  • Collection : Paroles vives
  • Langue : Français
  • ISBN-10: 2226076816
  • ISBN-13: 978-2226076816
  • Dimensions du produit: 22,5 x 14,5 x 3 cm



     Je crois que la seule représentation symbolique acceptable du Christ cosmique incarné en Jésus est celle de la Terre-mère quotidiennement crucifiée et ressuscitante. D’abord parce qu’elle est innocente, elle est « semblable à nous à l’exception du péché » (He 4, 15) ; et comme Jésus sur le Golgotha, sa passion est douloureuse car elle est gravement blessée. Pourtant elle déverse sur nous ses bienfaits depuis quatre milliards d’années et demi. Comme Jésus, elle sort de son tombeau, mais tous les jours. Pâques n’est pas une simple festivité annuelle pour la Terre-mère. Non, c’est quotidiennement qu’elle est blessée et quotidiennement qu’elle ressuscite et qu’elle renouvelle ses bénédictions sur nous à notre réveil. Comme Jésus ressuscité elle a le pouvoir de traverser les portes fermées, de franchir la barrière soigneusement close de la chambre du cœur pour dire joyeusement “Paix à vous !” et envoyer le souffle de vie (ruah), promesse de renaissance et de recréation. »
Matthew Fox, Le Christ cosmique

     L’auteur de ces lignes déconcertantes est un dominicain. Plus exactement « était », car on conçoit sans peine que la Congrégation pour la doctrine de la foi ait exprimé des réserves (1987) eu égard à la théologie de notre auteur. M. Fox fut exclut de l’ordre dominicain en 1993, puis suspendu de ses fonctions sacerdotales. Il préféra quitter l’Eglise catholique pour se joindre à l’Eglise épiscopalienne (branche américaine de l’Eglise anglicane).

     La citation suffit pour pressentir que le souci écologique est au cœur de la problématique de M. Fox, au point d’y subordonner son interprétation des Evangiles. A vrai dire, il s’agit plutôt d’une utilisation de certains passages scripturaires, librement interprétés à la lumière de sa conception a priori. Il présente lui-même son ouvrage comme « l’histoire du mystère pascal du troisième millénaire chrétien, le mystère pascal d’une ère religieuse nouvelle ». Cette nouvelle interprétation du christianisme, la seule susceptible de « sauver » la religion chrétienne de sa dégénérescence, se développe en trois temps :
La prise en compte du grand matricide : la crucifixion de la Terre-mère, qui est aussi la crucifixion de Jésus-Christ.
La Résurrection du psychisme humain par un réveil de la mystique.
L’avènement du Christ cosmique, inaugurant une renaissance mondiale permettant de guérir et de sauver la Terre-mère en changeant le cœur de l’homme et son comportement.

     Notre auteur reconnaît avoir « abandonné le théisme au profit d’une vision panenthéiste ». L’immanence divine n’était donc pas le propre de Jésus :

« Tous les enfants de Dieu, tous les prophètes quelle que soit leur religion, toutes les créatures de l’univers sont des christophores, des porteurs du Christ cosmique. »
Le « Christ cosmique » désigne la puissance de vie qui se manifeste en toutes choses :

« Le Christ cosmique est le “Je-suis” en chaque créature. Le miraculeux et divin mystère de l’être brille à travers l’existence unique de chaque atome, chaque galaxie, chaque arbre, oiseau, poisson, chien, fleur, étoile, rocher et chaque homme. »
Ou encore :

« Le Christ cosmique est la structure qui relie tous les atomes et toutes les galaxies de l’univers, un tissu d’amour et de justice divine unissant toutes les créatures et tous les êtres humains. »
« Qu’est-ce qui est sacré ? » M. Fox répond lui-même :

« Tout. La création tout entière est sacrée : les étoiles, les galaxies, les baleines, le sol, l’eau, les arbres, les hommes, les pensées, le corps, les images. Sainte omniprésence de l’Etre divin en toutes choses. Le terme adéquat en Occident pour décrire cette image de Dieu partout présent est celui de “Christ cosmique”. »
Ce Christ cosmique est donc également immanent à notre Terre, désignée comme notre Mère universelle. Bien plus : le drame écologique actuel de l’agonie de notre Planète symbolise, mieux que la passion de Jésus, le drame du Christ cosmique.

« La mise à mort de la Terre-mère est actuellement le problème numéro un sur le plan éthique, spirituel et même humain. Jésus est mort par la faute des hommes (dans le sens de mâle), exactement comme la Terre-mère est en train de mourir par la faute d’une civilisation patriarcale sexiste, rendue démente par l’odeur du sang du matricide. Jésus et la Terre-mère apparaissent victimes de la même pathologie. »
Il ne fait pas de doute que pour notre auteur, la passion de la Planète est bien plus importante – en soi et en raison de ses conséquences – que celle que dû supporter Jésus il y a deux mille ans.

     L’Eucharistie prend elle aussi une dimension cosmique, et renvoie en particulier à la Passion de la Terre-mère, qu’elle représente symboliquement :

« “Je suis le pain”, “Je suis le vin” poussent à leur valeur suprême notre sentiment de vénération pour la nourriture et la boisson, le froment et le vin, le sol et la vigne, le processus de photosynthèse et tout ce qui fait pousser et grandir les choses de la nature. Manger et boire le corps du Christ, c’est réellement manger et boire le corps et le sang cosmiques de l’être divin présent dans chaque atome et chaque galaxie de l’univers. Et si Jésus-Christ est la Terre-mère crucifiée, c’est elle qu’on mange et qu’on boit lors de l’Eucharistie. Le pain est considéré pour ce qu’il est : un don de nature cosmologique lourd d’une histoire de quinze milliards d’années, don de la terre, de l’air, du feu, de l’eau, de la photosynthèse et de soleil, des supernovas et du big bang. »
Tout cela prêterait à sourire, si M. Fox n’était pas devenu un des auteurs les plus lus du Nouvel Age. L’intérêt qu’il suscite vient probablement du fait qu’il rejoint à la fois les préoccupations de « l’écologie des profondeurs », et les aspirations des nouveaux courants religieux, tournés vers le culte de la grande Déesse – en réaction contre le patriarcat de la religion judéo-chrétienne et le « fascisme » de l’Eglise catholique. Le tout dans un discours pseudo chrétien qui capte la bienveillance des lecteurs, dont la culture s’enracine encore en grande majorité dans cette tradition. Mais il est clair qu’il serait plus respectueux du christianisme de ne pas lui emprunter son langage pour lui faire dire ce qui lui est étranger. Cet argument ne risque hélas pas d’avoir beaucoup d’impact : M. Fox espère en effet que son concept permettra de réaliser enfin l’unité œcuménique de toutes les religions dans l’adoration universelle du « Christ cosmique »…


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