Le 24 mars 1860, la France reçut le comté de Nice et la Savoie par le traité de Turin. Cette gratification, approuvée par un référendum auprès des populations concernées, récompensait l’intervention militaire décidée par Napoléon III contre l’Autriche aux côtés du royaume de Piémont-Sardaigne, ainsi que le consentement de l’Empereur à l’annexion de l’Italie centrale par le Piémont. Une telle concession allait mettre en fureur les nationalistes italiens, à commencer par un illustre natif de Nice : Garibaldi.

Notre gouache est-elle le « reportage illustré » d’une cérémonie triomphale organisée à Marseille en l’honneur de cette annexion ? Une recherche dans les archives locales le précisera. Nous pensons qu’il s’agit plutôt d’un projet d’architecture éphémère en prévision d’une tel événement. Si le décor urbain (sans doute la Canebière) est représenté à l’arrière avec une certaine précision, si la foule en liesse est esquissée d’un pinceau habile, la composition se consacre pour l’essentiel au monument de parade érigé pour la fête impériale. L’arche et ses ornements, les aigles et les abeilles, les drapeaux et le blason de Nice, la statue équestre et les illuminations, tout cela fait l’objet d’une description minutieuse, presque technique – ce qui fait penser à une planche de présentation pour un commanditaire. À Paris, l’inauguration des nouveaux boulevards fera l’objet de telles mises en scène, avec les somptueuses architectures provisoires dessinées et construites par la maison Julien Belloir. Notre dessinateur a parfaitement maîtrisé le contraste entre l’édifice d’apparat traité à la gouache, brillant de mille lumières, et la nuit marseillaise enveloppant la composition d’encre de Chine, traversée par des feux d’artifice.