Planches  des Voyages de Prévost 1746-1761

Feuille 27*21cm
Gravure 21*16cm


L’ Histoire Générale des Voyages de l’abbé Prévost :

      

De 1745 à 1759, l’abbé Prévost lance par souscription l’Histoire Générale des Voyages, ou Nouvelle Collection de toutes les relations de Voyages par Mer et par Terre, qui ont été publiées jusqu’à présent dans les différentes langues de toutes les nations connues. Plus connu pour ses romans (Manon Lescaut, Cleveland...), l’abbé Prévost est donc aussi à l’origine de la première grande compilation de relations de voyages. Son œuvre fictionnelle s’inscrit dans le sillage d’un renouveau romanesque, fondant une esthétique sur la référence au naturel. Pour cela, il reprend les extraits de certaines relations de voyages.

Pour l’Histoire générale des voyages, il explique précisément sa démarche et le fonctionnement de son entreprise. Ainsi, il revendique une grande curiosité pour les voyages et mentionne son attachement « à la découverte, à la conquête, au commerce, et [aux] propriétés naturelles et politiques des nouvelles Régions dont les Voyageurs ont acquis la connaissance». Les intentions intellectuelles sont rapidement évoquées. Il ne se place pas du tout dans la continuité des précédents collecteurs. Il s’explique ainsi : « il semble que le travail d’un Historien peut être mieux employé qu’à pénétrer dans les siècles ténébreux dont il n’a pas la moindre lumière à recueillir, et qui n’offrant rien de certain, le réduisent nécessairement à de vaines et pénibles conjectures». Même si ce refus de noyer la réalité des voyages dans des hypothèses est très louable, il peut paraître étonnant qu’au cours de son « histoire» de la navigation et du commerce, l’abbé Prévost n’hésite pas à se référer à des œuvres de fiction comme l’Iliade ou l’Odyssée d’Homère. L’auteur joue sur les deux tableaux. Il « ose garantir sa propre exactitude pour la forme qu’il va donner dans son style» et n’a rien négligé pour instruire son public et lui plaire. Dans l’article du chevalier de Jaucourt « Voyage, voyageur» de l’Encyclopédie, la distinction est faite entre le « voyage de long cours» servant à enrichir la science et le « voyage d’éducation» ayant des buts d’ordre pédagogique. L’abbé Prévost utilise indéniablement les voyages au long cours à des fins pédagogiques. L’Histoire générale des Voyages illustre une démarche inverse à celle d’un roman. Dans Manon Lescaut, la fiction inventée est pimentée de descriptions réelles afin d’appuyer la narration. Dans l’Histoire générale, la matière première est la compilation des relations des voyages que l’abbé Prévost ne se prive pas d’aménager. L’abbé Prévost illustre bien la compétition s’installant depuis le XVIIe siècle entre le roman et la relation de voyage.

Cette collection est ensuite enrichie de cinq autres tomes et connaît un succès tel que deux rééditions sont publiées. Cette entreprise matérielle et intellectuelle indique un réel engouement tant au niveau des lecteurs que des soutiens. Quant au travail artistique, il est l’aboutissement de cette compétition entre roman et relation de voyage. Dans l’Histoire générale des voyages, l’abbé Prévost a repris le credo des voyageurs : « faire voir, faire vivre, faire vrai».

 

Julien Leclerc