COLLECTION VUES NEGATIVES SUR VERRE PRISES DE VUES ORIGINALES

PARFAIT ETAT



Ernesta Stern (8 décembre 1854, Trieste - mai 1926), née Maria-Ernesta de Hierschel-Minerbi, est une femme de lettres (connu comme Maria Star) et philanthrope française.

D'une famille vénitienne anoblie par François-Joseph, elle épouse en 1874 le banquier Louis Stern (1840-1900), fils d'Antoine Jacob Stern. Elle est la mère de Jean Stern.

Propriétaire du Palazzetto Stern (it), elle se fait construire a Cap San Martin la Villa Torre Clementina.

Comme sa mère, Ernesta Stern tient un salondans son hôtel particulier du 68 rue du Faubourg-Saint-Honoré, réputé l'un des plus brillants de Paris avant la Première Guerre mondiale, fréquenté notamment par Marcel Proust, José Maria de Heredia, Henri de Régnier, Paul Fort, Reynaldo Hahn, Paul Bourget, Gabriel Fauré, Edouard Schuré, Camille Flammarion, Anna de Noailles, Yvette Guilbert, Réjane. Nombreux et très variés étaient, en effet, ceux qu'elle recevait, comme l'a écrit André de Fouquières : Mme Ernesta Stern avait, elle, le privilège unique de réussir spontanément à assembler autour d’elle les individualités les plus diverses. Ce qui eut été ailleurs cacophonie déplaisante était chez elle une véritable symphonie. Les princes de l’Eglise et les ballerines, les «initiés» et les athées, les barytons et les souveraines, les chefs d’Etat et les peintres évoluaient en liberté dans ses salons. Par un miracle constant, un mélange qui, normalement, eut dû être détonnant, ne provoquait pas la moindre appréhension.

Raffaele Mainella, ami vénitien d'Ernesta, réalisait des décors ; l'électricté était mise à profit pour des éclairages artistiques et des "effets spéciaux".


Les Fetes d’Arts au Salon

Mme Louis Stern a clôturé, avant-hier ses réceptions de la saison par une soirée musicale qui fut une fête d'art dans la plus noble acception du mot, une fête de la plus émouvante, de la plus délicate splendeur et de la plus savoureuse originalité. Dans le vaste hall peuplé de chefs-d'œuvre et qui évoque à la fois le mystère hautain d'une cathédrale gothique et la grâce profane d'un sanctuaire byzantin, des fleurs artistement et discrètement disposées en de précieuses vasques, autour de fragiles statuettes apportaient une note claire et tendre ; tandis que de savantes lumières mettaient en relief les loggias, les toiles de maître et les objets d'art. Au loin, à travers les fenêtres ouvertes, des gerbes d'électricité baignaient les pelouses, les bosquets et les jets d'eau d'une clarté lunaire... C'était comme un minuscule Trianon un soir de printemps ! Au programme, trois numéros seulement, mais trois numéros d'un charme incomparable, trois numéros dignes d'un tel cadre.

Ce fut d'abord un jeune baryton étranger, M. Vernon d'Arnalle, qui vint chanter d'une voix chaude, vibrante, caressante, délicieusement timbrée, quelques mélodies : Solitude, de Brahms ; l'Ombre et la Sérénade, de Schubert ; le Noyer et les Deux Grenadiers, de Schumann.

 

M. Albert Lambert fils, de la Comédie-Française, vint ensuite. Il récita avec un merveilleux art de nuances, avec chaleur, avec tendresse, avec émotion, des poésies immortelles : Lucie, de Musset ; la Chanson d'Eviradnus, de Hugo ; le Parc, de Rostand.

 Et quand les applaudissements se furent éteints — on ne se lassait pas de le rappeler — les portes qui donnent dans le salon des Lawrence et des Gainsborough s'ouvrirent sur un décor finement brossé par M. Mainella, un décor représentant un étang entouré d'un bocage semé de pétales de roses, avec un ciel pâle. Sur cet étang, Mme Felia Litvinne, drapée en étoffes de soie blanche, parut et chanta les Amours du poète, de Schumann, tandis que, dissimulé dans un coin d'ombre, M. Niederhofhem, le distingué pianiste, l'accompagnait.

Elle chanta, magnifiquement, comme elle seule sait le faire, avec le style incomparable, la maîtrise splendide que vous lui connaissez, les lieder admirables, cependant que le décor, grâce à un jeu de lumières, s'allumait selon le sentiment poétique de chaque mélodie. Tantôt des teintes roses de l'aurore, tantôt des éclatantes clartés du jour triomphant, tantôt des lueurs du couchant empourpré, tantôt enfin des mystérieux rayons de la nuit lunaire.

On fit, est-il besoin de le dire, à la grande cantatrice, des ovations enthousiastes. Et l'élégante et nombreuse assistance, qui eut le privilège d'assister à ce spectacle unique, associa à ce triomphe le jeune peintre qui avait conçu et exécuté cette originale « présentation » de la suite de Schumann, ainsi, qu'à la maîtresse de maison qui, en véritable poète qu'elle est, avait su ménager à ses amis cette nouvelle vision de beauté...

R.L. Le Figaro, 15/6/1908


Le Jardin

L'été, les réceptions et les spectacles se déroulaient dans le jardin.

Mme Louis Stern a donné lundi soir un véritable régal d'art à ses invités. Dans le ravissant décor du jardin merveilleusement éclairé, des jeunes filles et jeunes femmes du monde ont exécuté, sous la direction de Mlle Jeanne Chasles, de l'Opéra, des danses anciennes qui étaient des merveilles d'harmonie, de charme et de goût. Avec les prodiges obtenus par un éclairage des arbres savamment combiné, c'était à se croire transporté dans le pays bleu du rêve et de l'idéal. Le Figaro, 19/6/1907


Une brillante réception aux sons d'un orchestre invisible, accompagné de chœurs discrets et harmonieux ; une lente promenade dans un jardin de Rêve aux clartés mystérieuses et tendres, le long de sentiers d'ombre, autour d'un bassin lumineux où flottaient des nénuphars et sur lequel chantait un jet d'eau... Ce fut hier l'exquis enchantement que Mme Louis Stern offrait à ses amis.

Elle donnait, en effet, avant de quitter Paris, une dernière soirée dans son bel hôtel du faubourg Saint-Honoré, dont le cadre merveilleux se prête si bien à toutes les fêtes que le goût éclairé et fin de l'auteur des Deux gloires et des Légendes de Venise, aime à concevoir et à réaliser.

Elle avait eu cette fois l'idée originale et charmante de n'en point fixer le programme ; elle avait tout simplement ouvert à ses invités ses salons peuplés de chefs-d'œuvre, et son jardin merveilleusement fleuri, où sa fantaisie s'était complue à imaginer et à régler une délicate symphonie de lumières. Mais une autre surprise, qu'elle n'avait nullement préparée, était réservée à l'élégante assistance : Mme Félia Litvinne et Mlle Mary Garden, qui se trouvaient parmi les invités, eurent, tout à coup, l'idée d'improviser un concert, afin de témoigner à la maîtresse de maison leur amitié et leur admiration.

Le Figaro, 15/7/1909


Deux soirées eurent, notamment, lieu dans le jardin au cours de l'été 1912 :

- un spectacle : le ballet Les Eternels Amants fut dansé dans le jardin, éclairé de projections électriques d'un effet féerique.

- une garden-party : "dans le jardin éclairé de feux mauves et irisés, ce fut une vision enchantante de délicieuses danses par des femmes du monde" (Revue Les Modes, août 1912).

Avant de présenter ses œuvres théâtrales chez elle, Ernesta Stern le faisait dans d'autres salons où elle était invitée : "La comtesse Louis Cahen d'Anvers a entrouvert aux intimes les salons de son splendide hôtel de la rue Bassano par un dîner suivi d'une soirée, au cours de laquelle on a eu la première de Fumée, une charmante bluette de Maria Star, pseudonyme de Mme Louis Stern, qui a obtenu un succès éclatant." (Le Gaulois, 19/2/1894).

Un participant de ses soirées théâtrales a écrit son portrait : Mme Louis Stern est aussi, d'une autre façon, un écrivain polygraphe.

Ses pièces ! Les premiers acteurs de Paris les jouaient, il y a quelque trente ans dans son bel hôtel ; ils les jouaient comme ceux du XVIIIe siècle jouèrent celles de la marquise de Montesson, la tantâtre de Mme de Genlis, mariée secrètement au duc d'Orléans, devant une compagnie que la perspective d'un bon souper consolait de cet ennui en quatre parties.

Mme Stern ne se contentait pas d'applaudissements plus ou moins artificiels ; elle aimait la vie, le mouvement, la danse ; peut-être s'imaginait-elle que danser, c'est prier avec ses jambes ou bien encore que la danse est un acte d'amour et fait maigrir. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'elle dansait avec l'entrain d'une jeune femme de vingt ans, et elle se refroidit à mon endroit, parce qu'au bal, j'eus l'imprudence de lui confesser que je ne dansais plus. Avait-elle calculé que nous étions du même âge ? Je n'y pensais certes pas, elle fut froissée, je le sentis et cessai de fréquenter chez elle. Aussi bien la disparate entre les grâces nécessaires de la sylphide et cet enbonpoint trop accusé, me semblait choquante.

J'entendis souvent parler d'elle, de sa belle villa du cap Martin, de sa fastueuse hospitalité ; elle était charmante, pleine de verve, et je me suis laissé dire qu'elle avait donné dans l'occultisme, ne prenant aucune décision ou majeure ou mineure, sans consulter les esprits par les tables tournantes.


Maria Star à Venise

Ernesta Stern acquit un ancien palais construit au XVème siècle, à l'époque de la Vénétie byzantine, au bord du Grand canal. De 1909 à 1912, elle fit restaurer, aménager et décorer ce palais, fortement délabré, par l'architecte Giuseppe Berti et par Raffaele Mainella. Cet artiste, ami d'Ernesta, collabora avec elle pour plusieurs de ses œuvres architecturales et littéraires.

L’inauguration du palais, fin avril 1912, donna lieu à une grande fête.

Comme son hôtel de Paris, Ernesta Stern fit de ce palais un lieu de rencontres mondaines et de spectacles, jusqu'à la guerre. Elle n'y revint qu'après la fin des hostilités ; elle retrouva son palais intact mais l'époque ne se prêtait plus au faste d'antan et elle le vendit en 1924 ... avant de faire construire sa villa Le Cloître de Villennes. Le palais est devenu un hôtel de luxe, l'Hotel Palazzo Stern.

Le lobby et les parties communes de l'hôtel arborent des antiquités (une colonne datant du 2ème siècle), de splendides fresques, des meubles anciens, des chandeliers en verre de Murano, et une mosaique dorée, le tout créant une atmosphère romantique.


Les œuvres littéraires de Maria Star

Ernesta Stern était membre de deux sociétés, regroupant les écrivains français et les auteurs d'œuvres lyriques :

- la Société des Gens de Lettres de France, qui décernera un prix portant son nom :

. en 1928, à Gaston Roupnel, historien bourguignon, ruraliste et moderniste, pour son livre Siloë.

. en 1929, à Hippolyte Roy, auteur de plusieurs ouvrages historiques sur la Lorraine.

. en 1931, à Robert Vallery-Radot, auteur de divers ouvrages, notamment Lamennais ou Le prêtre malgré lui et de livres sur la franc-maçonnerie, à laquelle il s'opposait ; il a rejoint le régime de Vichy en 1940 et ordonné prêtre, il termina sa vie dans une abbaye cistercienne.

. en 1932, à Mathilde Alanic, auteur angevine d'une trentaine de romans principalement sentimentaux.

. en 1933 à Charles Dornier,professeur de lettres et poète.

. en 1934, à Maurice Duplay, auteur, notamment, d'un ouvrage sur Marcel Proust, dont il était un ami.

. en 1935, à René Behaine pour son œuvre en plusieurs volumes Histoire d'une Société, décrivant la vie bourgeoise d’avant 1914, dans les milieux les plus divers, des paysans aux cercles littéraires de la vie parisienne.

. en 1936, à François Tavera et Philéas Lebesgue ; le premier est principalement connu par un livre de science-fiction, tandis que le second était un poète, romancier, essayiste, traducteur et critique littéraire. Membre de la Ligue celtique française, il était le Grand Druide des Gaules, l'autorité spirituelle du Collège bardique des Gaules et développait un ésotérisme poétique.

. en 1938, à Jean Desthieux, écrivain et journaliste, fondateur de l'Académie méditerranéenne et de la revue Heures perdues ; il était un poète humaniste.

. en 1938 (?), à Joseph Ageorges pour La vierge sur le fleuve, le témoignage d'un chrétien catholique sur les milieux du grand journalisme et de la politique internationale.

. en 1948, à Paul Chacornac pour son ouvrage Le comte de Saint-Germain ; celui-ci et l'auteur étaient des spécialistes de l'ésotérisme.

. en 1971, à Simone Saint-Clair, pour un ouvrage de spriritisme, Le Flambeau Ardent, "qui a pour but de démontrer la réalité de la survivance et de proclamer sans réserves qu'elle doit être l'espoir de demain" ; l'auteur, journaliste et écrivain, qui fit preuve de courage pendant la Résistance, était membre du comité exécutif de la Fédération Spirite Internationale.

. en 1972, à Jean Barbier pour Amour sans frontière, Mère Térésa de Calcutta.

. en 1974, à André Besson, pour Le village englouti ; écrivain et journaliste, il est l'auteur de romans régionalistes et de livres documentaires sur la Franche-Comté. L'ouvrage primé a été adapté, en 30 épisodes, pour la télévision.

Ces divers exemples laissent penser que la Société des Gens de Lettres a porté ses choix, avant les années 1970, sur des auteurs, possédant certaines des caractéristiques de Maria Star, dont ce prix perpétue le souvenir. Ensuite, le nom d'Adrienne Cambry (1866-1939), elle même auteur de romans et de nouvelles, dont un ouvrage couronné par l'Académie française, fut adjoint au sien pour désigner le prix.

- la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques, à laquelle Maria Star a déposé deux de ses drames lyriques.