GEORGETTE LEBLANC
1869-1941
Cantatrice - Actrice de Théâtre
Sœur de l’écrivain Maurice Leblanc - Maîtresse et muse de Maurice Maeterlinck, leur relation ne sera jamais officialisée, même s’il arrive à Georgette de signer « Mme Maeterlinck ».


SOUVENIRS

(1895-1918)


Précédés d'une introduction par Bernard Grasset


Exemplaire enrichi d'un envoi de Georgette Leblanc à l'académicien Marcel Prévost.

Tirage limité à 2664 exemplaires, celui ci est un des 300 exemplaires de presse.


Ce n’est pas seulement au titre de l’anecdote et de la curiosité que les Souvenirs de Mme Georgette Leblanc méritent le si vif succès qui les accueille aujourd’hui. Par leur multiple et divers intérêt n’ont-ils pas toutes les raisons de passionner aussi bien le public que le monde des lettres ? Récit, par la plus amoureuse et la plus fidèle des compagnes, des longues années de vie commune avec Maurice Maeterlinck, ils nous font, d’abord, entrer dans l’intimité d’un très grand écrivain, nous disent ses méthodes et ses habitudes de travail, nous expliquent les réactions de sa sensibilité. Qui veut et, dans l’avenir, qui voudra comprendre dans toute sa profondeur le génie de Maeterlinck devra lire ces Souvenirs […] Mais, dans ces Souvenirs, il y a tout autre chose et qu’on n’est pas accoutumé de trouver dans les livres de ce genre. Il y a le drame de deux talents que le destin rapproche et dont l’un, sous la loi de l’amour, renonce à tout pour l’autre ; et puis, après ce sacrifice total, la rupture. Mme Georgette Leblanc souhaite que nous comprenions que dans l’œuvre de Maeterlinck, s'il y a Maeterlinck, il y a aussi Georgette Leblanc, que l’apport de son cœur et de son âme, c’est vraiment une collaboration spirituelle et que la séparation ne fut pas qu’un déchirement sentimental. Au fond, le débat, ici, se joue sur le rôle fécond d’une femme auprès d’un écrivain, sur la valeur propre de ce qu’elle sème en lui, sur l’enrichissement du compagnon par la campagne, sur la part de création de celle-ci. Thème pathétique et, comme le dit si justement M. Bernard Grasset dans une admirable préface, «document humain du plus haut prix».

Le Jardin des Lettres – Avril 1931



PARIS, BERNARD GRASSET ÉDITEUR, 1931.

Neuvième cahier de la série "Pour mon Plaisir".

1 volume broché, in-8° (12 x 19 cm) de XLII, 344 pages.

Exemplaire en très bon état, quelques infimes frottements sur la couverture. Intérieur frais, pages en partie non coupées. On y joint un petit prospectus (10 x 14 cm) de la revue Le Théâtre sur lequel figure une photographie de Georgette Leblanc.



Le livre de Georgette Leblanc : Souvenirs, n’est pas un de ces ouvrages qu’on parcourt d’un œil négligent et qu’on oublie sur l’étagère. Ce livre, dont il a déjà été question ici, on le lit, puis on y réfléchit, puis on le relit. Il contient un monde, ce livre, un monde presque infini, ou plutôt, un monde qui ouvre la porte à d’autres mondes... de nouveaux mondes. Il commence par nous révéler une âme, une pensée, une sensibilité, d’une rare qualité. De telles révélations ne sont pas quotidiennes. Et puis il est admirablement écrit. Le style en est nuancé, riche, flexible, ses expressions tour à tour émeuvent et ravissent ; elles servent à merveille l’esprit réceptif, multiple, chargé de visions, vêtu de sagesse, qui les commande. Ici c’est une trouvaille poétique qui charme ou bouleverse; là une phrase dont l’acuité, la profondeur élucident un débat de conscience ou mettent à nu un dédale du cœur... Et l’auteur a bien d’autres dons ! On savait que Georgette Leblanc était une artiste, on ignorait qu’elle eût le sens de l’humour. Tout au long de ses Souvenirs, elle campe les gens et les choses avec la double « patte » du peintre et de l’ironiste; et, pour noter les particularités, les cocasseries des gens qu’elle a connus, elle fait choix de mots si heureux, si précis, elle pose des taches si fines, qu’elle amuse et même provoque le rire, sans être jamais cruelle […] Entendant parler de ce livre, j’avais été de l’avis de beaucoup. Je désapprouvais Georgette Leblanc de s’être mise en scène et d’y avoir mis Maeterlinck. Je trouvais qu’elle aurait dû plutôt romancer l’histoire de leur amour, qu’il y avait, de la part d’une femme, quelque impudeur à étaler son intimité avec un grand homme, du vivant de cet homme. La lecture des Souvenirs a complètement retourné mon opinion. D’abord, tout ce qui pourrait réellement nous choquer, nous hérisser l’épiderme, demeure voilé. Le reste, même ce qui charge nettement Maeterlinck est raconté avec une telle douceur, une telle honnêteté, dirai-je, qu’on ne se cabre pas une minute. Georgette Leblanc repasse les épisodes critiques de son union, les petits et grands drames de son cœur avec la fluidité, la légèreté de ces abeilles qu’elle a tant observées de concert avec Maeterlinck quand il étudiait la vie de ces insectes. On ne se cabre pas, au contraire : on en arrive à penser que, loin d’avoir commis une trahison, Georgette Leblanc a fait un acte de courage en racontant sincèrement quel avait été son rôle auprès de cet écrivain célèbre et honoré.

Henriette Sauret – La Française, journal de progrès féminin – septembre 1932