Il serait vain de réduire la musique du Réunionnais Jérémy Labelle à une variante électro du maloya. Il serait tout aussi vain de prétendre qu’elle s’en affranchit. Lui-même brouille encore davantage les pistes avec ce deuxième album de featurings variés, au titre suggestif. Ses amis insulaires, chanteurs charismatiques, lui offrent les titres les plus émouvants : Zanmari Baré sur une envoûtante oraison funèbre, la piquante Nathalie Natiembé — absolument renversante quand elle évoque la défunte dame du séga Benoîte Boulard —, mais aussi le slameur Hasawa et la jeune Maya Kamaty, dans une invocation mystique épurée. Sans fièvre, mais non sans spiritualité, Labelle, moins intéressé ici par la forme ternaire du blues créole que par son imaginaire, capte les émotions les plus fragiles sur des mélodies minimalistes qu’il habille d’une instrumentation onirique. Ses beats veloutés, ses cloches célestes et ses samplers ensorcelants accueillent ainsi, entre autres sonorités exotiques, la guitare slide en fusion de Prakash Sontakke et la kora de Ballaké Sissoko : l’Inde, l’Afrique, un peu de transe aussi… c’est comme si le producteur avait séquencé l’ADN du maloya et replanté ses racines dans un rêve sensible et mystérieux.