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243- tir96

Médaille en bronze, de la Monnaie de Paris .
Frappe de 1969  .
Quelques traces minimes de manipulations .
Revers vierge d'attribution .

Artiste / graveur : Josette HÉBERT-COËFFIN (1908-1974) .

Dimensions : 68 mm .
Poids : 170 g .
Métal : bronze .
Poinçon sur la tranche (mark on the edge)  : corne d'abondance + bronze + 1969 .

Envoi rapide et soigné.

The stand is not for sale .
Le support n'est pas à vendre.
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Louis IX, dit « le Prudhomme »L 1 et plus communément appelé Saint Louisa, est un roi de France capétien né le 25 avril 1214 à Poissy et mort le 25 août 1270 à Carthage, près de Tunis. Il régna pendant plus de 43 ans, de 1226 jusqu'à sa mort. Considéré comme un saint de son vivant, il est canonisé par l'Église catholique en 1297.

Neuvième roi de France issu de la dynastie des Capétiens directs, il est le quatrième ou cinquième enfant et deuxième fils connu du roi Louis VIII, dit « Louis le Lion », et de la reine Blanche de Castille, de laquelle il reçoit une éducation très stricte et très pieuse durant toute son enfance.

Aîné des membres survivants de sa fratrie, il hérite de la couronne à la mort de son père, alors qu'il n'est âgé que de douze ans. Il est sacré le 29 novembre 1226 en la cathédrale de Reims, mais c'est la reine mère qui, conformément au testament de Louis VIII, exerce la régence du Royaume jusqu'à la majorité du nouveau monarque.

Devenu adulte, Louis IX met fin au conflit entre Capétiens et Plantagenêts et se soucie de l'extension du domaine royal, auquel il rattache notamment les sénéchaussées de Beaucaire et de Carcassonne, tout en consolidant sa souveraineté sur la Normandie, l'Anjou, la Touraine, le Maine et le Poitou.

Il mène un règne inspiré des valeurs du christianisme qui contribue à fonder l'idée que les pouvoirs spirituel et politique peuvent être incarnés par un seul homme. Il atténue les excès de la féodalité au profit de la notion de bien commun et développe la justice royale, où le souverain apparaît comme « le justicier suprême ». De cette manière, il fait progressivement passer la France d'une monarchie féodale à une monarchie moderne, ne reposant plus seulement sur les rapports personnels du roi avec ses vassaux, mais sur ceux du roi en tant que chef de l'État avec ses « sujets ».

Louis IX est effectivement un roi réformateur qui veut léguer un royaume dont les sujets seront soumis à un pouvoir juste : il renouvelle la « quarantaine-le-roi », ordonne la présomption d'innocence, atténue l'usage de la torture, interdit l'ordalie et la vengeance privée et institue la supplicatio, consistant à pouvoir faire appel au roi pour l'amendement d'un jugement. Sa réputation dépassant les frontières du Royaume, son arbitrage est parallèlement sollicité par les différentes monarchies d'Europe. Il établit également dans le Royaume une monnaie unique et se fait l'instigateur des institutions qui deviendront le Parlement et la Cour des comptes. Très pieux, il fait d'autre part construire plusieurs églises, abbayes et hospices, vient en aide aux plus faibles, travaille à la conversion des princes mongols, soutient la fondation du collège de Sorbonne et se procure des reliques de la Passion pour lesquelles il fait construire la Sainte-Chapelle en 1242.

Conformément à son vœu prononcé à la suite d'une grave maladie, puis confirmé à la suite d'une guérison dite miraculeuse, Saint Louis part se battre avec ses frères Robert d'Artois, Alphonse de Poitiers et Charles d'Anjou, en Égypte, lors de la septième croisade. À son retour, alors qu'il est persuadé que son échec est dû à l'état d'immoralité du Royaume, il travaille à renforcer son autorité et à rétablir la moralité chrétienne. Il décide ainsi de punir le blasphème, les jeux d'argent, les prêts à intérêts et la prostitution ; il tente également de convertir au christianisme de gré ou de force les juifs de France.

À cette fin, il finit par leur imposer diverses mesures, dont le brûlement du Talmud et, vers la fin de son règne, le port de la rouelle. Enfin, en 1270, il repart en Tunisie pour la huitième croisade, au cours de laquelle il meurt de maladie. La peste, la dysenterie et le typhus ont tour à tour été évoqués ; en 2019, des analyses montrent que le roi était gravement atteint de scorbut, et peut-être de bilharziose.

Il est canonisé le 11 août 1297 sous le nom de saint Louis de France par le pape Boniface VIII, sous l'impulsion de son petit-fils Philippe IV le Bel. Sa fête liturgique est fixée au jour anniversaire de sa mort, c'est-à-dire le 25 août. Aujourd'hui considéré comme un monarque ayant offert à la France un renouveau économique, intellectuel et artistique, il est considéré comme l'un des trois grands Capétiens directs avec son grand-père Philippe II Auguste et son petit-fils Philippe IV le Bel.
Enfance et éducation

Né le 25 avril 1214 sous le règne de son grand-père Philippe Auguste, au château de PoissyL 2, le futur Louis IX est le cinquième enfant et deuxième fils connub du futur roi Louis VIII, dit « le Lion », et de la princesse Blanche de Castillec. Il ne devient en effet l'héritier qu'à l'âge de quatre ans, après la mort précoce de son frère aîné : PhilippeL 4. Immédiatement après sa naissance, il est baptisé en la collégiale Notre-Dame de Poissy ; ce lieu demeurera cher au roi, qui aimera signer ses lettres du nom de « Louis de Poissy », ou encore, « Louis, seigneur de Poissy », considérant que sa vraie naissance demeure son baptêmeL 5.

Ses parents, et plus particulièrement la princesse Blanche de Castille, lui font donner une éducation très poussée afin qu'il soit religieusement et moralement formé à la fonction royale et préparé à protéger l'ÉgliseL 2. Le petit prince vit également auprès de son grand-père vieillissant, le roi Philippe-Auguste, qui exerce sur lui une grande influence. Philippe est le premier roi de France à connaître son petit-fils, ce qui accentue la force dynastique de l'enfantL 6,d.

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    Vie familiale de Louis
    Enluminure représentant la naissance de Saint Louis. Blanche de Castille est alitée, entourée de trois femmes de chambre, dont l'une porte le nouveau-né auréolé.

    Naissance de Louis IX, Grandes Chroniques de France de Charles V, XIVe siècle.
    Enluminure montrant le jeune Louis IX assis avec un livre à la main, devant un prêtre qui pointe l'ouvrage du doigt. Blanche de Castille, assise sur une chaise, les observe.

    Leçon de lecture de Saint Louis, Grandes Chroniques, XIVe siècle.
    Enluminure montrant Louis et sa mère dans un chariot, suivi des grand du royaume à cheval.

    Louis et sa mère allant à Reims, id. XIVe siècle.
    Enluminure représentant Saint Louis agenouillé, recevant l'Eucharistie des mains d'un évêque.

    Communion de Louis IX, Vie et miracles de Saint Louis, G. de St. Pathus, XIVe siècle.

Roi de France
Sacre de l'enfant roi
Enluminure montrant Louis agenouillé, en position de prière, devant un évêque qui le oint. Les prélat du royaume sont présents à gauche, les seigneurs à droite.
Le sacre de Louis IX, miniature du manuscrit de l'Ordo du sacre de 1250, BNF, Lat.1246, fo 17.

Louis est âgé de neuf ans lorsque son grand-père Philippe Auguste meurt, le 14 juillet 1223. C'est alors son père, Louis « le Lion » qui devient roi mais pour une courte durée puisqu'il meurt trois ans plus tard, le 8 novembre 1226L 8. Le 3 novembre, soit quelques jours avant sa mort, Louis VIII fait venir dans sa chambre les barons, prélats et personnages importants de l'armée pour leur faire promettre que, dès qu'il serait mort, ils prêteraient hommage et foi à son fils, et qu'ils le couronneraient roi au plus vitee. Selon le chroniqueur Philippe Mouskes, Louis VIII missionne également ses plus proches conseillers, Barthélemy de Roye, Jean de Nesle et le frère Guérin, pour veiller sur ses enfantsL 9,f.

Louis est âgé de douze ans à la mort de son père, l'angoisse et l'inquiétude d'être gouverné par un enfant envahissent alors le RoyaumeL 10. Cependant, bien qu'enfant, le nouveau roi fait preuve d'une grande maturitéL 11 et, alors qu'aucun texte ni aucune tradition ne prévoit qui doit gouverner sous le règne d'un roi trop jeune, la tutelle passe entre les mains de la reine mère, Blanche de Castille, dès les premiers jours qui suivent la mort de son épouxL 12. Cette situation est légalisée par un acte inédit, dans lequel l'archevêque de Sens et les évêques de Chartres et de Beauvais affirment que Louis VIII, sur son lit de mort, avait fait savoir qu'il décidait de placer son fils héritier, le Royaume et ses autres enfants sous le « bail et la tutelle » de sa femme jusqu'à ce que Louis atteigne sa majoritéL 13.
Photographie de la lettre circulaire adressée par les prélats et barons du royaume aux évêques et grands feudataires pour les inviter à assister au Couronnement du jeune Louis IX.
Lettre circulaire adressée par les prélats et barons du Royaume aux évêques et grands feudataires pour les inviter à assister au couronnement du jeune Louis IX, le 29 novembre 1226. Archives nationales.

Louis IX est sacré roi le 29 novembre 1226 en la cathédrale Notre-Dame de Reims par l'évêque de Soissons, Jacques de Bazoches. Son sacre est marqué par trois aspects. D'abord, la rapidité de l'événement, afin que Louis IX soit rapidement « complètement » roi et que personne ne puisse faire pression sur lui ou son entourageL 14.

Ensuite, il est vite adoubé, lors d'une étape à Soissons sur le chemin menant à Reims, car le roi de France doit nécessairement être chevalier. Enfin, le troisième aspect sur lequel insistent les chroniqueurs est l'absence des grandes personnalités du Royaume, tant ecclésiastiques que laïcsL 15,g.

Les chroniqueurs ont souvent donné des motifs politiques à ces absences, mais selon Jacques Le Goff, même s'il est vrai que certains boudent le sacre pour des raisons politiques, la plupart n'ont simplement pas eu le temps de préparer leur voyage en raison de la précipitation de la cérémonie. De plus, le sacre d'un enfant n'est pas particulièrement attrayant pour les prélats et les grands seigneursL 16.

Blanche de Castille exerce le pouvoir avec le titre de « baillistre » et reste peu de temps entourée des conseillers expérimentés — mais vieillissants — des deux règnes précédents : le frère Guérin, chancelier de France, rend les sceaux et meurt en 1227 ; Barthélemy de Roye, grand chambrier de France, s'efface peu à peu et meurt en 1237 et Jean de Nesle n'apparaît plus que par intermittences. Le principal soutien de la reine reste alors Gauthier Cornut, évêque de SensL 17.
Révolte des barons
Miniature en couleurs représentant une reine âgée parlant au roi son fils
Blanche de Castille et Louis IX, détail d'une miniature de la Bible moralisée de Tolède, 1240.

En 1226, Blanche de Castille et ses conseillers s'occupent du cas de quelques seigneurs mécontents. Pour concilier Philippe Hurepel, demi-frère de Louis VIII, son royal neveu lui donne les châteaux de Mortain et Lillebonne ainsi que l'hommage du comté de Saint-Pol et une rente viagère de six mille livres tournoish. À la demande de plusieurs seigneurs, à l'Épiphanie, le 6 janvier 1227, Blanche, son fils et leurs conseillers décident également de libérer, en échange d'une rançon et de sa fidélité, Ferrand de Flandre qui avait trahi Philippe Auguste lors de la bataille de BouvinesL 18.

Louis IX fait ensuite un effort en direction des grands seigneurs trop remuants : il promet de marier son frère Jean à la fille de Pierre Mauclerc, qui lui offre en gage Angers, Le Mans, Baugé et Beaufort-en-Vallée et promet de marier son frère Alphonse à une fille de Hugues X de Lusignan ainsi que sa sœur Isabelle à l'un de ses filsL 19. L'effort le plus important est fait envers le roi d'Angleterre Henri III et, en avril 1227, une trêve est conclue entre le roi de France et Richard de Cornouailles, frère du roi d'Angleterre. Le mois suivant, c'est Henri III en personne qui demande à Louis une trêve officielle. Celle-ci prend effet en juinL 19.

Ainsi, au début de l'été 1227, le jeune roi est à la tête d'un royaume pacifié. Cependant, les barons ne supportent plus d'être conduits par un enfant et une femme étrangère. De nombreux seigneurs se rassemblent à Corbeil et prévoient d'enlever le roi afin de le séparer de sa mère et de ses conseillers pour gouverner en son nom et s'approprier le pouvoir, les terres et les richesses. À la tête de cette révolte se trouvent alors Philippe Hurepel, comte de Boulogne et oncle du roi, qui a accepté de devenir l'un de leurs chefs, mais sans conviction, et Pierre Mauclerc, duc de Bretagne, le plus puissant des vassaux du roi de FranceL 20,i.

Le jeune roi et la reine mère, qui reviennent de Vendôme, où ils sont allés négocier avec les barons de l'Ouest, rentrent à Paris par Orléans, mais toute leur suite est bloquée à Montlhéry par les barons rassemblés. Bientôt, les Parisiens, auxquels Blanche et ses conseillers avaient envoyé des messages requérant leur fidélité et leur soutien, prennent les armes, volent au secours du roi et le ramènent en triompheL 21. Contre cette première révolte, le roi est également soutenu par le comte Ferrand de Flandre, libéré et resté fidèle, et Thibaud IV de Champagne, avec lequel il est réconciliéL 22.

En 1228, la coalition des barons se reforme. Cette fois, la révolte, soutenue par Philippe Hurepel, est dirigée par Enguerrand III de Coucy. Les coalisés ne s'en prennent plus directement au roi et à sa tutrice, mais à Thibaud IV de Champagne, leur plus puissant soutienL 22. Cette campagne commence par la propagation de rumeurs injurieuses à l'égard de Blanche : les barons l'accusent de vider les caisses du Royaume et d'être la maîtresse de son conseiller Romain Frangipani ou encore de Thibaut de ChampagneL 23. Heureusement pour le roi, les barons sont instables et impressionnés par la royauté, même représentée par un adolescent. Certains d'entre eux passent donc de la rébellion à une obéissance totaleL 24.

Mais il faut tout de même recourir aux opérations militaires et, en 1230, le jeune roi, âgé de moins de seize ans, prend la tête de l'ost royal. Il part en campagne dans l'Ouest, contre Pierre Mauclerc, qui vient de prêter hommage au roi d'Angleterre en octobre 1229, et ses complices, puis en Champagne pour y protéger ThibaudL 24. La campagne de janvier se termine avec la prise de Bellême et la reprise d'Angers, Baugé et BeaufortL 25. Sur les conseils de Romain Frangipani, l'armée royale ravage également les champs, les récoltes et les possessions de Raymond VII de Toulouse, celui-ci étant ainsi forcé de faire la paix avec le gouvernement du RoyaumeL 26.

En mai, Henri III, appelé à l'aide par Pierre Mauclerc, débarque à Saint-Malo, mais n'ose pas engager les hostilités et s'enferme dans Nantes, sans combattre. Louis prend la tête d'une nouvelle armée et, grâce à l'aide de Hugues X de Lusignan, prend Clisson, assiège Ancenis et rase le château de La Haye-Pesnel, appartenant au rebelle Fouques Pesnel. Au printemps 1231, il entreprend une nouvelle campagne dans l'Ouest et impose à Pierre Mauclerc une trêve de trois ans à Saint-Aubin-du-CormierL 25. Entre-temps, Louis IX se tient en Champagne et les barons révoltés contre Thibaud n'osent pas attaquer le roi ; ils abandonnent ainsi les hostilitésL 26.

Victorieux, Louis apparaît comme un roi guerrier : les anciens coalisés, à l'exception de Pierre Mauclerc qui ne se soumettra qu'en novembre 1234, lui obéissent désormaisL 27,L 28.
Fiançailles et mariage
Miniature scindée en deux parties : la première montre Louis et Marguerite de Provence agenouillés devant l'évêque qui les marie ; la seconde représente Marguerite allongée et Saint Louis priant à côté du lit conjugal.
Célébration du mariage de Louis et Marguerite. Le roi et la reine pratiquant l'abstinence. Guillaume de Saint-Pathus, Vie et miracles de saint Louis, 1330-1340, BNF, Fr.5716.

Louis IX est probablement reconnu majeur en 1234, à vingt ans, voire en 1235, à vingt et un ansL 29,j.

Guillaume de Nangis fait du mariage la conséquence d'un désir du roi, mais selon Jacques Le Goff et Gérard Sivéry, le jeune roi n'a fait que se conformer à l'usage et à l'avis de sa mère et de ses conseillersL 30,S 1.

Marguerite, aînée des quatre filles de Raimond-Bérenger IV de Provence, est à peine nubile car elle n'a que treize ans. Jean de Nesle et Gauthier Cornut sont alors nommés principaux négociateurs du contrat de mariage et, selon le chroniqueur Philippe Mouskes, Maurice de Sully, archevêque de Bourges, se serait également chargé des premières démarches.

En 1233, le roi Louis IX ordonne au chevalier Gilles de Flagy, en mission à Toulouse, de passer par la cour comtale de Provence, probablement afin, selon Gérard Sivéry, de se renseigner sur la jeune princesse dont les rumeurs louent la perfectionS 2. Louis et Marguerite sont de lointains parents, mais le 2 janvier 1234, le pape Grégoire IX les relève de l'empêchement de mariage pour consanguinitéL 31,k.

Le 30 avril 1234, à Sisteron, le comte et la comtesse de Provence reconnaissent devoir une dot de 8 000 marcs d'argent, à payer avant le 1er novembre 1239, et donnent en gages le château de Tarascon et ses revenus au roi de France. La réponse se fait peu attendre ; Jean de Nesle et Gauthier Cornut, chargés d'aller chercher la fiancée en Provence et de l'accompagner jusqu'au lieu du mariage, font rédiger par écrit la promesse de mariage du roi qui s'engage à épouser Marguerite avant l'Ascension, célébrée cette année le 1er juinL 31.

Le 17 mai 1234, Raimond Bérenger complète la dot de 2 000 marcs supplémentaires en désignant Raimond Audibert, archevêque d'Aix, garant envers son futur gendre ; le comte cède alors les revenus du château d'Aix ainsi que la baillie d'Aix que détenait Guillaume de Cottignac. Mais la somme considérable de 10 000 marcs d'argent dépasse les capacités financières du comte qui n'en paiera en fait que le cinquièmeS 2.

Le 27 mai 1234, le mariage de Louis et Marguerite est célébré en la cathédrale de Sens, par Gauthier le Cornu. Les personnages importants du Royaume sont présents et la suite de Louis comprend sa mère, ses frères Robert et Alphonse, son cousin Alphonse de Portugal, de nombreux nobles dont le fidèle Barthélemy de Roye et plusieurs dames qui assurent la suite de MargueriteL 32.

La cérémonie se déroule en deux temps. La première phase, une cérémonie extérieure devant l'église, commence par la jonction des mains des fiancés par Guillaume de Savoie, évêque de Valence et oncle de Marguerite, symbolisant leur consentement, puis les anneaux sont échangés et, enfin, elle se termine par la bénédiction et l'encensement des épouxL 33. La seconde phase est essentiellement une messe lors de laquelle sont lus et chantés plusieurs textesL 34. Au moment de l'invocation, le roi reçoit un baiser de l'archevêque qu'il va porter à sa jeune épouse, lui promettant ainsi amour et protection. Enfin vient la bénédiction de la chambre nuptiale, rite soulignant leur devoir de procréerL 35. Le lendemain du mariage, le 28 mai 1234, la jeune Marguerite est couronnée reineL 36.

Selon Guillaume de Saint-Pathus, confesseur et confident de la reine Marguerite de Provence, Saint Louis ne touche pas sa femme pendant la nuit de noces ; il passe ses trois premières nuits de jeune marié à prier, respectant ainsi les trois « nuits de Tobie » recommandées par l'ÉgliseL 35.
Fin du conflit avec le roi d'Angleterre
Article détaillé : Conflit entre Capétiens et Plantagenêt.
Ligue des seigneurs poitevins

Henri III d'Angleterre, grand adversaire de Saint Louis et de la monarchie française, n'a pas renoncé à récupérer les territoires que ses prédécesseurs possédaient en France en tant que ducs d'Aquitaine et de Normandie, reconquis par Philippe Auguste. Il conteste en effet la légitimité de la confiscation des fiefs de son père Jean sans Terre dans l'ouest de la France. Mais occupé par les barons anglais qui avaient limité son pouvoir en arrachant la Grande Charte à son père et par les barons français coalisés qui lui demandèrent de l'aide pour s'émanciper, Henri III n'a jamais manifesté ses désirs de reconquêteL 37.

En France, une nouvelle rébellion commence à prendre vie. Tout d'abord, Hugues X de Lusignan s'insurge en raison d'un accord non respecté : lorsqu'en 1227, la reine Blanche et ses conseillers avaient neutralisé Hugues, un accord avait prévu le mariage d'une fille de ce dernier avec Alphonse de France, mais celui-ci était déjà fiancé à Jeanne de Toulouse ; en compensation, il était prévu qu'Isabelle de France épouse le futur Hugues XI de Lusignan, mais celui-ci épousa Yolande de Bretagne en 1238, tandis qu'Alphonse se maria effectivement avec sa fiancée, JeanneL 28.

En plus de cela, à sa majorité, en 1241, Alphonse reçoit de son royal frère le comté de Poitiers et l'Auvergne, conformément à la volonté de leur père. Ses nouvelles terres absorbent alors le comté de la Marche et Hugues X doit transférer son hommage de vassal du roi de France à Alphonse de Poitiers, seigneur de rang inférieur. Hugues X prête finalement l'hommage, mais la situation déplaît fortement à sa femme, Isabelle d'Angoulême, veuve de Jean sans Terre et mère d'Henri III, qui souhaite conserver son rang de reineL 38.

Le conflit éclate lorsque Louis IX, prétextant la rupture des fiançailles, réclame l'Aunis et Saint-Jean-d'Angély, remis en gage à Hugues X en 1230 à l'occasion de la promesse de mariage entre sa sœur Isabelle et le jeune Hugues. Hugues X, décidé à se battre, détruit symboliquement la maison qu'il possède à Poitiers et, en décembre 1241, s'oppose publiquement au roi lors de l'assemblée solennelle des vassaux du comte de Poitou. Louis tente d'abord vainement de faire revenir le comte sur sa décision puis présente son cas à la cour des pairs de France, qui prononce la confiscation des domaines du rebelle. Immédiatement, il constitue une ligue contre Louis IX, à laquelle la plupart des barons poitevins adhèrentL 38,l. Dès les débuts de cette coalition, le roi d'Angleterre s'y intéresse, mais se voit retenu par ses engagements pris lors des trêves de 1238L 39. Après la destitution de Hugues X, Henri III décide de prendre part à la coalition afin de faire valoir ses droits en FranceL 40.
Guerre de Saintonge
Article détaillé : Guerre de Saintonge.
Miniature du XIVe siècle représentant deux troupes de chevaliers en armure s'affrontant, dont l'un est équipé et harnaché aux armes de France et l'autre aux armes de Normandie.
Combat entre les troupes de Louis IX et Henri III. Chroniques de Saint-Denis, vers 1332-1350, BL, Royal 16 G VI.

La guerre de Saintonge dure environ un an, du 28 avril 1242 au 7 avril 1243. Selon Jacques Le Goff, elle se déroule en trois phases : du 28 avril au 20 juillet 1242, c'est une guerre de siège lors de laquelle Louis ne se bat qu'avec le comte de la Marche et ses alliés ; du 21 juillet au 4 août 1242, l'ost royal bat les Anglais devant Saintes et les repousse jusqu'à Blaye ; et enfin, du 4 août 1242 au 7 avril 1243, la guerre s'oriente contre le comte de Toulouse, puis se termine par une trêve entre Henri d'Angleterre et Saint LouisL 40.
Bataille de Taillebourg
Article détaillé : Bataille de Taillebourg.
Gravure du XIXe siècle en couleurs représentant des chevaliers, dont l'un est couronné, fonçant sur des fantassins.
La bataille de Taillebourg, gravure colorisée tirée d'une Histoire de l'armée française de Paul Lehugeur, 1880.

Le 28 avril 1242, Louis convoque l'ost royal à Chinon. Le 4 mai, à Poitiers, il lance le début de la campagne : il est à la tête de 1 000 chariots, 4 000 chevaliers et 20 000 écuyers, sergents et arbalétriers. Son armée assiège et prend successivement les châteaux rebelles de Montreuil, Béruges, Fontenay, Prez, Saint-Gelais, Tonnay-Boutonne, Matus, Thoré et Saint-AffaireL 40.

Henri III quitte Portsmouth le 9 mai et débarque à Royan le 13. Le 16 juin, il déclare la guerre à Louis pendant que celui-ci achève la conquête du Poitou. Le 20 juillet, les Français arrivent devant Taillebourg. Le lendemain, les ennemis se retrouvent face à face, mais sont séparés par la Charente. Les Anglais et les Poitevins rebelles tentent de rejoindre les Français par le pont de pierre reliant Taillebourg à Saintes, mais sont rapidement repoussés par les troupes de Saint Louis qui les mènent à s'enfuir en toute hâte vers Saintes. Le lendemain, 22 juillet, Louis et son armée traversent la Charente et la bataille s'engage devant SaintesL 41.

Selon Guillaume de Nangis, la bataille dure très longtemps, mais les Anglais ne peuvent endurer les assauts des Français et se mettent à fuir. Les Français les poursuivent et en font prisonniers un grand nombre. Le roi d'Angleterre s'enfuit quant à lui vers Saintes, d'où il s'enfuit à nouveau la nuit tombée avec Hugues X et leurs troupes. Enfin, le lendemain matin, 24 juillet, les clés de la ville sont remises à Louis par les citoyens de SaintesL 42.

Henri III se replie à Pons, mais le 25 juillet, Renaud, seigneur de Pons, se soumet à Louis IX qui arrive de Colombières. Le lendemain, Hugues X se soumet à son tourm. Le roi d'Angleterre se réfugie alors à Barbezieux d'où il s'échappe dans la nuit du 26 au 27 juillet. Il rejoint ensuite Blaye, mais doit repartir vers Bordeaux dès le 4 août, devant la progression du roi de FranceL 43.

Louis IX perd relativement peu d'hommes durant la campagne, mais doit affronter une épidémie de dysenterie qui décime son armée. Louis en est également atteint mais guérit rapidement. Bien qu'affaibli, il rentre à Paris en août 1242L 44.
Soumission du comte de Toulouse et la trêve

De son côté, Raymond VII de Toulouse, qui a pourtant renouvelé son hommage à Louis en 1241, s'allie à la coalition des barons poitevins et du roi d'AngleterreL 44. Il rejoint Henri III à Blaye à la fin juillet, se fait remettre Narbonne le 17 août 1242, par le vicomte Aimery, s'empare d'Albi et proclame le retour des deux villes parmi ses possessionsL 45.

Saint Louis, qui vient de remporter la bataille de Taillebourg, envoie deux armées en Languedoc. Le comte de Foix lâche alors aussitôt le comte de Toulouse et Louis le délie de sa vassalité envers celui-ci. Le 20 octobre, Raymond VII est contraint de demander pardon au roi de France, qui le lui accorde en échange de sa renonciation à Narbonne et Albi ainsi que des promesses de combattre l'hérésie et d'accomplir son vœu de croisadeL 46.

Entre octobre et novembre 1242, Henri III tente une dernière fois de faire valoir ses droits en organisant le blocus de La Rochelle par la mer. Mais son blocus échoue, de même que la reconstitution de son armée et de ses alliances. En janvier 1243, il envoie une lettre à Frédéric II, empereur du Saint-Empire, à qui il avait fait une demande d'alliance en juin 1242, lui annonçant la fin de ses espérances. Et enfin, le 12 mars 1243, il est contraint de demander à Louis une trêve pour cinq ansL 44,L 47.

En 1253 et 1254, Louis IX autorise Henri III à se rendre en France pour visiter l'abbaye de Fontevraud, nécropole de ses ancêtres, celle de Pontigny, où reposent les reliques de saint Edmond, qu'il avait contraint à l'exil, ainsi que la cathédrale de Chartres. À cette occasion, Louis invite Henri III, qui est aussi son beau-frère, à Paris, où ils fêtent ensemble Noël. Une vive amitié naît entre les deux rois au point que, quelque temps après, Louis offre à Henri un éléphant qui lui avait été offert par le sultan d'Égypte. Dès cette année, Henri demande le renouvellement des trêves, que Louis lui accorde volontiersL 47.
Le traité de paix
Manuscrit en vieux français, scellé du sceau de Henri III en cire verte sur cordonnets de soie rouge et verte.
Traité de Paris, 1259, Archives nationales de France.
Article détaillé : Traité de Paris (1259).

En 1257, le roi d'Angleterre envoie auprès de Louis IX l'évêque de Winchester dont la mission est de proposer au roi de France la substitution d'un véritable traité aux trêves qui avaient été signées. Et, bien qu'Henri refuse de renoncer à ses droits sur les territoires de ses ancêtres en France, les deux rois ont l'intention d'aboutir à la paix. Les négociations sont longues et laborieuses, mais enfin, le 28 mai 1258, Henri III Plantagenêt et Louis IX signent le traité de ParisL 48.

En signant le traité, Louis et Henri mettent fin au conflit entre Capétiens et Plantagenêts concernant les terres conquises par Philippe Auguste. Par ce texte, Henri III renonce à ses revendications concernant la Normandie, l'Anjou, la Touraine, le Maine et le Poitou et Louis IX lui donne la somme nécessaire pour entretenir 500 chevaliers pendant deux ans ainsi que les revenus de l'Agenais et ses domaines dans les diocèses de Limoges, Cahors et PérigueuxL 49,n.

Le 10 février 1259, le traité est d'abord ratifié par Richard de Cornouailles. Le 17 février, il est ratifié à Westminster par des procureurs, au nom du roi, et, le 4 décembre, Simon V de Montfort et Aliénor d'Angleterre le ratifient également. Enfin, arrivé en France le 14 novembre, Henri III prête hommage à Louis le 4 décembre 1259L 50.
Expansion du domaine royal

Tout d'abord, par son testament de 1225, Louis VIII le Lion demande le transfert d'environ un tiers du domaine royal en faveur de ses fils puînés : le deuxième, Robert, reçoit l'Artois ; le troisième, Alphonse, le Poitou et l'Auvergne, et le quatrième, Charles, l'Anjou et le Maine4. Devenu roi, Louis IX respecte cette volonté, qu'il exécute comme une décision propre : lorsque ses frères atteignent l'âge de vingt ans, il les adoube et leur remet leur apanage. Le domaine royal est donc sensiblement amoindri, mais cette politique ne provoque pas le démembrement du Royaume. Elle est, au contraire, le moyen d'éviter les conflits entre les quatre frères. De plus, Louis insiste sur les conditions de possession de l'apanage, qui doit revenir au domaine royal dans le cas où son détenteur mourrait sans héritier, ce qui sera le cas d'Alphonse en 1271L 51.

Au cours de son règne, le roi Louis VIII a mis fin aux espoirs d'hégémonie du comte Raymond VII de Toulouse, soumis lors de la croisade des albigeois. En mars 1229, Blanche et Louis IX convoquent une conférence à Meaux. Raymond VII s'y rend en pèlerin, accompagné de ses principaux vassaux, et signe le traité de Meaux-Paris le 12 avril 1229. Il se voit alors contraint de prêter allégeance au jeune roi de France et perd près de la moitié de son territoire, principalement les anciennes vicomtés de Raimond II Trencavel : les sénéchaussées de Beaucaire et de Carcassonne, conquises sur le terrain depuis 12265, intègrent le Domaine, tandis que le marquisat de Provence est cédé au Saint-Siège.

Le comte se voit par ailleurs contraint de fonder une université à Toulouse. Enfin, le traité prévoit le mariage de Jeanne de Toulouse, seule héritière de Raymond, avec Alphonse de Poitiers, ce qui permet, à plus ou moins brève échéance, de rattacher les territoires restants du comté de Toulouse au domaine royal : le couple mourant sans enfants, ces domaines passent directement et définitivement sous administration royale en 12716, sous Philippe III le Hardi7.

Par le traité de Corbeil signé le 12 mai 1258 entre les représentants de Jacques Ier d'Aragon et ceux de Louis IX, ce dernier renonce aux prétentions françaises sur l'ancienne marche d'Espagne, et en particulier sur la Catalogne, la Cerdagne et le Roussillon, tandis que l'Aragon renonce en échange aux siennes sur la Provence et le Languedoco. S'ébauche alors la frontière du royaume de France au sud des Corbières. Côté français, la frontière est protégée par les forteresses de Termes, Aguilar, Niort, Quéribus, Peyrepertuse et Puilaurens tandis que Salces, Opoul et Perpignan défendent la frontière catalane8.

Enfin, comme nous l'avons déjà vu, Henri III d'Angleterre renonce par le traité de Paris (1259) à ses revendications sur la Normandie, l'Anjou, la Touraine, le Maine et le Poitou tandis que Louis rend à ce dernier une partie des terres du Limousin et du Quercy à la Saintonge, dont il n'est pas certain que la conquête ait été légitimement fondée9.
Roi justicier et diplomate

En tant que roi chrétien, Louis IX doit faire respecter deux idéaux censés lui apporter, ainsi qu'à ses sujets, le salut éternel : la justice en premier lieu, puis la paix. Il se veut à l'image du roi Salomon rendant la justice sous un chêne, notamment dans le parc du château de Vincennes (une image qui s'est transmise de génération en génération à travers l'image qu'on se fait de ce roi)10. Il s'efforce donc de faire régner la paix dans les affaires où il est impliqué et tente d'éliminer les sujets de conflit pour l'établir le plus longtemps possible. Son prestige fait de lui le recours préféré des adversaires en quête d'arbitrage et son action va s'étendre dans toute la Chrétienté, dont il deviendra l'apaiseurL 52.
Dit d'Amiens
Tableau du XIXe siècle de style néo-classique.
Saint Louis médiateur entre le roi d'Angleterre et ses barons, Georges Rouget, 1820, château de Versailles.
Articles détaillés : Dit d'Amiens, Provisions d'Oxford et Provisions de Westminster.

En Angleterre, l'aristocratie se révolte pour restreindre et contrôler le pouvoir du roi. Ces révoltes aboutissent à la Grande Charte en 1215, puis aux provisions d'Oxford en 1258 et, enfin, aux provisions de Westminster en 1259H 1. L'opposition est alors menée par Simon V de Montfort, le propre beau-frère d'Henri IIIL 53. Les documents passent par une longue série de révocations et de rétablissementsH 1 : le roi réussit notamment à se faire relever de son serment de respecter les provisions d'Oxford par les papes Alexandre IV puis Urbain IV, mais les barons anglais n'acceptent pas la décision pontificale. C'est ainsi qu'en décembre 1263, Henri III et ses barons demandent l'arbitrage de Louis IX, dont ils promettent de respecter la décisionL 54.

Louis rend son verdict, le « Dit d'Amiens », dès le 23 janvier 1264 : il ratifie d'abord la bulle pontificale annulant les provisions d'Oxford et déclare, en ferme partisan de la prérogative royale, qu'Henri Plantagenêt doit récupérer la plénitude du pouvoir et de sa souveraineté. L'arbitrage est alors considéré comme un jugement rendu par Louis IX, en tant que seigneur du roi d'Angleterre et donc comme suzerain des barons anglais, considérés comme ses arrière-vassauxL 54.
Affaire des Flandres
Article détaillé : Guerre de Succession de Flandre et du Hainaut.

Marguerite II de Flandre est en guerre avec les fils issus de son premier mariage avec Bouchard d'Avesnes, qu'elle désavantage au bénéfice des fils issus de son second mariage avec Guillaume II de Dampierre. Ainsi commence le conflit entre les Avesnes, qui mettent en avant leur droit d'aînesse, et les Dampierre, qui renient l'héritage de leurs demi-frères, considérés comme des fils illégitimes en raison de l'annulation du mariage de leurs parentsL 55.

Louis est appelé à plusieurs reprises pour intervenir, soit à l'initiative de l'un ou de l'autre parti, soit à sa propre initiative, en tant que suzerain. En 1235, il prévoit un partage inégal des terres : deux septièmes aux Avesnes et cinq septièmes aux DampierreL 55,p.

En 1246, dans le but de pacifier le Royaume avant de partir en croisade, Louis IX et Eudes de Châteauroux ménagent un accord entre les deux partis : le Hainaut appartient maintenant aux Avesnes et la Flandre aux Dampierre. Guillaume III de Dampierre part en croisade avec Louis, revient en 1250, mais meurt accidentellement l'année suivante. Sa mère lui reconnaît alors comme successeur son frère cadet, Gui de Dampierre. Et si la curie romaine a finalement reconnu la légitimité des Avesnes, Marguerite refuse toujours à Jean d'Avesnes le titre de comte de Hainaut et ne lui laisse que le marquisat de NamurL 56.

Après avoir tenté en vain de s'emparer des îles de Zélande, en juillet 1253, sous l'impulsion de leur mère, les fils Dampierre, accompagnés de plusieurs barons français, sont faits prisonniers par Guillaume du Saint-Empire. Marguerite fait alors appel au frère du roi de France, Charles d'Anjou, à qui elle promet le Hainaut, ignorant ainsi les droits des Avesnes. Charles accepte, occupe Valenciennes et Mons et évite de peu un conflit armé avec le roi des RomainsL 56. Au retour de la croisade, Louis IX prend très mal l'initiative de son frère et intervient : il rappelle ce dernier à Paris et, par le « Dit de Péronne » du 24 septembre 1256, il confirme l'accord signé en 1246. Néanmoins, pour tenir compte de la donation du comté du Hainaut à Charles, Marguerite le lui rachète à un très haut prix. Elle doit aussi payer une forte rançon au comte de Hollande pour la libération des Dampierre, et, peu de temps après, se réconcilie avec son fils Baudoin d'AvesnesL 57.
Conflit entre Frédéric II et Innocent IV
Miniature figurant Louis IX agenouillé devant le pape.
Entrevue de Saint Louis et du pape Innocent IV, Grandes Chroniques de France de Charles V, BNF, Fr.2813.

Alors que deux des plus grandes puissances d'Occident, l'empereur Frédéric II du Saint-Empire et le pape, sont en guerre, Louis IX garde une stricte neutralité dans ce conflitL 58. Monarque le plus puissant de la chrétienté, il rend à chacun ce qu'il pense lui être dû : un profond et obéissant respect au pape et une reconnaissance formelle de sa prééminence symbolique à l'empereur. Mais il leur impose de respecter son indépendance temporelle et refuse, pour le premier comme pour le second, qu'ils interviennent dans les affaires relevant de son autoritéL 59.

En 1240, alors que le pape souhaite détrôner l'empereur, Louis refuse qu'il offre la couronne d'Allemagne à Robert d'Artois. Mais le 3 mai 1241, une flotte génoise amenant les prélats au concile convoqué par le pape Grégoire IX est vaincue par une flotte pisane au service de Frédéric. Parmi eux, plusieurs archevêques, évêques et abbés sont présentsL 59. Louis IX, persuadé de la bienveillance de l'empereur, envoie l'abbé de Corbie et le chevalier Gervais d'Escrenne auprès de lui pour demander leur libération.

Frédéric, qui avait préalablement demandé au roi d'empêcher les prélats français de se rendre au concile, répond à Louis qu'il ne doit pas s'étonner si « César retient étroitement et en angoisse ceux qui étaient venus pour mettre César en angoisse ». Le roi de France envoie alors à l'empereur l'abbé de Cluny avec une lettre déclarant que « le royaume de France n'est pas encore si affaibli qu'il se laisse mener à [ses] éperons »L 60. La déclaration fait immédiatement reculer Frédéric II qui, par peur de mettre le roi Louis IX en colère, se décide à relâcher les prélats du RoyaumeL 61.

En août 1241, le pape Grégoire IX meurt et son successeur, Célestin IV, meurt après douze jours de pontificat. Enfin, en juin 1243, le pape Innocent IV leur succède et le conflit avec Frédéric s'amplifie. Le pape envoie une lettre à Louis pour lui demander l'asile, afin d'être à l'abri des attaques de l'empereurL 62. Cependant, Louis IX lui répond, de manière très respectueuse, que ses barons lui ont déconseillé d'accepter sa demande, afin de garder la neutralité nécessaire. Innocent IV part alors en exil à Lyon, ville quasi indépendante et sous l'influence de la France.

Le 27 décembre 1244, le pape convoque un concile à Lyon, cite l'empereur à comparaître et à entendre la sentence, et invite Louis à y assister. Mais Louis, préférant ne pas s'engager, refuse l'invitation et propose au pape une entrevue à Cluny dans l'espoir de préparer une réconciliation entre lui et l'empereurL 63. Lors de l'entretien, le pape renforce son soutien à la croisade du roi, mais refuse tout geste de réconciliation avec l'empereurL 64.

Louis IX tente, sans succès, en 1246, une nouvelle intervention auprès du pape en faveur de Frédéric II. Mais, en 1247, il apprend que l'empereur rassemble une importante armée pour marcher sur Lyon où le pape réside toujours. Il envoie alors des troupes considérables pour défendre le souverain pontife et Frédéric II, qui s'est avancé jusqu'aux Alpes, rebrousse chemin vers Parme. Toutefois, après cela, Louis continue de rester neutre dans le conflit et ses relations avec l'empereur restent cordialesL 64.
Louis IX et les Mongols
Article connexe : Alliances franco-mongoles.

Dès 1245, la chrétienté mûrit l'espoir de convertir le grand Khan au christianisme, ou, tout au moins, de l'amener à s'allier aux chrétiens contre les musulmans. C'est ainsi que le pape Innocent IV envoie trois missions à la recherche du Grand Khan Güyük. Les dominicains André de Longjumeau, Ascelin de Lombardie et Simon de Saint-Quentin sont envoyés de Terre sainte tandis que le franciscain Jean de Plan Carpin passe par la Bohême, la Pologne et la basse Volga, jusqu'au Khan dont il assiste à l'intronisationL 65. Saint Louis s'intéresse de près à ces expéditionsL 66.

En 1248, alors qu'il est en séjour à Chypre, le roi de France est approché par des envoyés d'Eljigidei (en), commandant mongol basé en Arménie et en Perse11. Eljigidei prévient Louis « que Güyük Khan est prêt à l'aider à conquérir la Terre sainte et à délivrer Jérusalem des mains des Sarrasins » et lui suggère de débarquer en Égypte, pendant que lui attaquerait Bagdad, pour empêcher que les sarrasins d'Égypte et ceux de Syrie joignent leurs forces12,L 66. Le roi dépêche alors au Grand Khan deux prêcheurs, dont André de Longjumeau, ainsi qu'une tente écarlate très luxueuse en guise de chapelle, contenant des « images » montrant l'essentiel de la foi chrétienneL 66. Toutefois, Güyük meurt avant l'arrivée de l'ambassadeur, et rien de concret n'en résulte ; la reine Oghul Qaïmich, à présent régente, décline poliment l'offre12. En 1249, Louis apprend que le Khan Sartaq s'est converti au christianisme et s'est fait baptiser. Il lui envoie alors le franciscain Guillaume de Rubrouck, mais pas en tant qu'ambassadeur officiel afin d'éviter une nouvelle humiliation. Sartaq n'a en réalité de chrétien que le nom, mais permet au franciscain de se rendre auprès du Grand Khan Möngke (1251-1259), à Karakorum. Rubrouck revient cependant à Chypre en 1255, sans succèsL 67.

En 1259, Berke, le chef de la Horde d'or demande la soumission du roi de France13. En revanche, le 10 avril 1262, ce dernier reçoit une lettre de l'ilkhan Hülegü qui lui demande la paix et de l'aideL 67. Se présentant comme le « destructeur des perfides nations sarrasines », il insiste sur sa bienveillance à l'égard des chrétiens dans son empire et lui annonce les avoir tous libérés de prison ou de l'esclavage dans les pays qu'il a soumis. N'ayant pas de navire, il demande à Louis de lui en prêter afin d'attaquer l'Égypte et promet de restituer le royaume de Jérusalem aux chrétiens. Mais, dans cette lettre, Hülegü, qui n'a pas compris que le pape n'est qu'un chef spirituel et que le roi le plus puissant de la chrétienté est en fait le roi de France, rappelle à Saint Louis la souveraineté du Grand Khan sur le monde entier. Pour cette raison, le roi de France refuse de répondre à sa demande et adresse l'ambassade à Rome, où la papauté poursuit pendant plusieurs années les conversations, qui n'aboutissent finalement jamaisL 68.
Réformes du Royaume

Situé entre le règne de son grand-père Philippe Auguste et celui de son petit-fils Philippe le Bel, Saint Louis est l'homme qui fait passer la France d'une monarchie féodale à une monarchie moderne. Celle-ci ne repose plus sur les rapports personnels du roi avec ses vassaux, mais sur les rapports du roi en tant que chef de la Couronne avec ses « sujets ». Il n'est plus seulement suzerain mais souverain. Ce passage à un État moderne se fait, selon Jacques Le Goff, « selon des formes transitoires, progressivement, évitant tout traumatisme institutionnel »14.
Réformes judiciaires
Tableau de style néo-classique représentant Louis IX assis sous un chêne au milieu de suppliants.
Saint Louis rendant la justice sous le chêne de Vincennes, Pierre-Narcisse Guérin, 1816, musée des beaux-arts d'Angers.

Dans l'ordonnance de 1245, le roi institue la « quarantaine-le-roi ». Dans cette ordonnance, il ordonne une trêve d'au moins quarante jours à partir de la date à laquelle survient un sujet de discorde entre deux parties, afin de limiter les guerres privées, désormais interdites. Ainsi, toute vengeance est proscrite jusqu'à l'expiration du délai, permettant un apaisement des tensionsL 69,15.

En 1247, il dépêche des enquêteurs royaux qui ont pour mission de l'instruire de l'état du pays et de réprimer directement dans les domaines de la justice, de l'administration, de la fiscalité et de l'armée. Baillis et prévôts sont également introduits en France, ces derniers cessent alors d'être des inspecteurs itinérants et deviennent des administrateurs nommés et payés par le roi, qui exercent leurs fonctions dans une vingtaine de circonscriptions distinctes qui divisent désormais l'immense royaume de Franceq.

Recrutés dans la petite noblesse locale ou dans la bourgeoisie, ces officiers sont contraints de respecter des règles strictes de gestion, fixées par l’ordonnance de 125415,16,Na 1. Les officiers royaux sont eux aussi surveillés par les enquêteurs qui ont pour mission de fixer les limites de chacun et de transmettre par écrit toutes les plaintes à la cour du roi, qui commence à se diviser en sections précises : le Conseil, qui traite des affaires politiques ; la Curia in parliamento, qui s'élèvera au rang de parlement et la Curia in compotis, ancêtre de la Cour des comptes, qu'il installe à la tour du Temple17.

Dès décembre 1254, Louis IX promulgue la « Grande Ordonnance », également appelée statutum generale, statuta sancti Ludovici ou « establissement le roi », qui tend à réformer le gouvernement royal en profondeurL 70. Elle est, en fait, le regroupement de plusieurs textes royaux promulgués entre juillet et décembre 1254. La plupart de ces textes abolissent des mesures prises par les sénéchaux royaux, en violation des anciennes coutumes localesL 71. Ces textes ordonnent également aux officiers royaux de rendre justice sans distinction des personnes et de refuser tout cadeau pour eux-mêmes ou leur famille. Ils ne pourront lever aucune amende sans jugement, devront considérer que tout accusé non condamné est présumé innocent, et il leur sera dorénavant interdit d'empêcher le transport des blés, mesure destinée à combattre la famine.

En décembre, il y ajoute une série de mesures concernant la pure moralité : le blasphème16, les jeux d'argent, les prêts à intérêtLM 1 et la fréquentation des maisons closes ainsi que des tavernes sont interdits aux officiers royauxL 72,15. Mais les ordonnances ne touchent pas que les officiers royaux. Dans le but de conduire ses sujets au salut, le roi prohibe la prostitution, punit le blasphème, interdit les jeux de dés et leur fabrication ainsi que les jeux d'échecs, de dames et de « trictrac », doublement condamnables en tant que jeux d'argent et de hasard. Enfin, les tavernes se voient réservées aux voyageurs et interdites à la populationL 73.

La « Grande Ordonnance » est reprise en 1256. Le nouveau texte présente plusieurs différences avec ceux de 1254. L'ordonnance de 1256 résulte de la modification des textes de 1254, qui étaient plutôt des instructions aux baillis et sénéchaux, en une ordonnance générale pour le RoyaumeL 74. Dans cette nouvelle ordonnance royale, Louis supprime toute référence à l'usage de la torture et revient notamment sur l'interdiction stricte de la prostitutionL 75. Les droits des femmes sur leurs héritages et leurs dots doivent être particulièrement respectés : les femmes étant considérées comme des êtres faibles, il appartient à la justice royale de les protéger. Louis refuse ainsi qu'une femme soit punie pour les fautes de son mariL 76.

En 1261, conformément au quatrième concile du Latran, une nouvelle ordonnance royale abolit l'ordalie. Les épreuves par le feu et par l'eau dont l'accusé doit sortir indemne ou les combats dont il doit sortir vainqueur devront maintenant être remplacés par des preuves rationnelles ou testimonialesL 77.
Réformes monétaires
Pièce de monnaie en argent frappée de la mention « + LVDOVICVS. REX + BNDICTV: SIT: NOmE: DHI: nRI: DEI: IhV. XPI. »
Gros tournois, avers et revers, sous Louis IX.

À la fin de son règne, entre 1262 et 1270, Louis IX met en place d'importantes réformes monétaires. Elles répondent d'abord à l'évolution économique et à la diffusion de l'économie monétaire. Les réformes commencent avec une ordonnance qui interdit de contrefaire la monnaie royale et qui institue le monopole de la circulation de celle-ci dans le Royaume, à l'exception des monnaies de seigneurs ayant reçu une autorisation, qui peuvent circuler, mais uniquement sur leur terreL 78. Puis deux ordonnances interdisent l'utilisation des « esterlins », monnaie anglaise : la première, publiée entre 1262 et 1265, exige que les sujets du roi promettent de ne pas utiliser d'esterlins, et celle de 1265 fixe à la mi-août de 1266 la date limite de leur circulationL 79.

En 1265, une nouvelle ordonnance reprend celle de 1262 et confirme le privilège de la monnaie royale de circuler dans tout le Royaume, mais autorise les monnaies régionales. En juillet 1266, une ordonnance édicte la reprise de la frappe du denier parisis à de nouvelles conditions de poids et de teneur en métal fin ainsi que la création d'un gros tournois. Enfin, entre 1266 et 1270, une autre ordonnance édicte la création de l'écuL 79. Le denier parisis et l'écu d'or sont plutôt des échecs, mais le gros tournois est une très grande réussite en France mais également sur le marché international, et son succès se poursuivra jusqu'au XIVe siècleL 80.
Régulation de la prostitution

Au Moyen Âge, les responsables de l’ordre public, municipalités, seigneurs laïcs ou ecclésiastiques, organisent la prostitution dès le XIIe siècle comme un moindre mal. On trouve même des bordels qui sont propriété de monastères ou de chapitres18. Mais comme nous l'avons vu précédemment, à son retour de Terre sainte, Louis veut remettre de l'ordre dans le Royaume. C'est ainsi qu'il prohibe totalement la prostitution dans son ordonnance de 1254. Toutes les femmes et filles se livrant à la prostitution sont appelées à y renoncer19. Elles sont expulsées des villes, loin des églises et des cimetières, et quiconque leur met une maison à disposition se voit confisquer un an de loyerL 75. Si, après un avertissement, elles continuent dans cette voie, l'ordonnance prévoit que leurs vêtements seront confisqués et que leur maison sera saisie puis vendue au profit du fisc. En cas de récidive, l'ordonnance envisage qu'elles seront bannies des villes et des villages, voire du royaume19.

Parallèlement, le roi prend sur sa cassette les fonds nécessaires pour permettre au couvent des Filles-Dieu, spécialement destiné à l'accueil des filles repentantes, de recevoir deux cents personnes supplémentaires19.

Mais l'expérience prouve au souverain que l'ordonnance est inutile. Poursuivies, les prostituées changent d'apparence pour prendre celle de « femmes honnêtes », ce qui les expose en plus aux insultes des libertins. En 1256, dans une seconde ordonnance qui révoque en quelque sorte la première, le roi permet ainsi aux prostituées d'exercer, mais hors des murs des cités et loin des lieux de culte. Des établissements spécialisés sont alors installés loin des maisons particulières. Ils ne sont ouverts que la journée, jusqu'à six heures au soir, afin que des femmes ne s'y rendent pas la nuit pour ne pas y être reconnues19. Selon Jacques Le Goff, c'est « l'esquisse de ghettos de la prostitution »L 75.
Roi bâtisseur et mécène
Gravure du XVIIe siècle montrant une vue globale du château de Tours.
Le château de Tours au Moyen Âge. Gravure tirée de la Topographie française de Claude Chastillon, 1644-1648.

Sous le règne de Louis IX, les grandes cathédrales sont en construction, à peine achevées ou en profond remaniement. C'est ainsi qu'il assiste à la construction des cathédrales de Chartres, d'Amiens, de Reims, de Rouen, de Beauvais, d'Auxerre ou encore Notre-Dame de ParisL 81. Le roi finance et ordonne la construction de nombreux couvents, églises et abbayes, mais son rôle dans chaque fondation est peu connuL 82.

Selon Robert Branner, l'architecture parisienne, sous l'influence de Louis IX, devient « un art sophistiqué » qu'il nomme le « style de cour ». Paris devient alors une capitale artistique avec une architecture élégante et des ateliers de manuscrits enluminés, d'ivoire, de broderies, de tapisseries, de joaillerie, de pierres précieuses et d'objets liturgiques. Outre l'architecture civile, le roi favorise l'architecture militaire — avec, par exemple, les remparts d'Aigues-Mortes et de Jaffa —, domestique — avec notamment le château de Tours — et religieuseL 83 :
Édifices sacrés
Photographie contemporaine d'un cloître et de son jardin.
L'abbaye de Royaumont.

Dans son testament, Louis VIII a laissé une forte somme pour fonder un monastère près de ParisL 84. Pour édifier cette abbaye, Louis et sa mère choisissent un lieu proche d'Asnières-sur-Oise, où ils résident de temps en temps, et acquièrent le domaine de Cuimont, débaptisé pour être appelé Royaumont (« mont royal »), nom qui symbolise le lien étroit entre la famille royale et la future abbayeL 85. C'est alors que, dans les premières années de son règne, entre 1229 et 1234, Louis, conseillé par Blanche de Castille, réalise la fondation de l'abbaye et l'attribue à l'ordre cistercien, contrairement aux indications du feu roi qui souhaitait qu'elle soit affiliée aux chanoines de Saint-VictorL 84.
Article détaillé : Abbaye de Royaumont.

La fondation de Royaumont, construite entre 1228 et 1235, préfigure l'attrait naissant de Louis pour les ordres mendiants22, dont se rapprochent les cisterciens, et accroît son goût précoce pour les édifices religieux. C'est également une occasion pour le jeune roi de faire preuve d'humilité et de pénitence : pendant toute la période de construction, il surveille attentivement l'avancement des travaux et participe activement à la vie du chantier en aidant les artisans, allan