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Pablo PICASSO

Le Désir attrapé par la queue 


Paris, s.n., [1944]. In-4 agrafé, couverture imprimée.


Édition originale, en fac-similé du manuscrit, imprimée à petit nombre.


Envoi autographe signé de Pablo Picasso à Laurent Casanova.


En 1941, Pablo Picasso écrit une farce érotique dans la lignée des Mamelles de Tirésias d’Apollinaire. Proche de l’écriture automatique, la pièce conte les Amours de Gros-Pied et de La Tarte, qui se déroulent sous la table du Sordid’s Hôtel, tournant ainsi en dérision l’atmosphère délétère de l’Occupation. Interdite par l’occupant, la pièce est cependant montée pour une lecture entre amis, le 19 mars 1944, dans l’appartement de Michel et Louise Leiris. Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Raymond Queneau, Germaine Hugnet ou encore Dora Maar prêtent leur voix à des personnages aux noms loufoques : Gros-Pied, Sa Cousine, La Tarte, Les Deux Toutous, Le Bout rond ou L’Angoisse grasse… La direction est assurée par Albert Camus et les musiques choisies par Georges Hugnet. La lecture a lieu devant un portrait de Max Jacob apporté par Picasso, comme un hommage au poète mort le 5 mars 1944 au camp de Drancy.


Parmi l’assistance se trouvent notamment Jacques Lacan, Maria Casarès, Georges Braque, Valentine Hugo, Henri Michaux et Pierre Reverdy. Quelques semaines plus tard, pour remercier les participants, Picasso les réunit à nouveau, cette fois dans son atelier et Brassaï réalise plusieurs portraits du groupe, dont un retirage est conservé dans l’exemplaire, en tête. 

À la Libération, deux peintres de stature internationale, qui, jusqu’alors, avaient été de simples compagnons de route, adhèrent à leur tour au Parti communiste : Fernand Léger et Pablo Picasso. L’adhésion du second fait un peu d’ombre à celle du premier et a été préparée pendant la guerre : Picasso avait fait connaissance, par le truchement de ses voisins et amis, les Leiris, de Laurent Casanova, collaborateur direct de Maurice Thorez, et un des responsables de la résistance communiste, chargé après la guerre des relations du Parti avec les intellectuels. C’est Casanova qui s’occupe de l’adhésion au Parti de Picasso, venu « au communisme sans la moindre hésitation, car au fond, j’étais avec lui depuis toujours [...]. Ces années d’oppression terrible m’ont montré que je devais combattre non seulement par mon art, mais par ma personne. J’avais tellement hâte de retrouver ma patrie ! J’ai toujours été un exilé. Maintenant, je ne le suis plus ; en attendant que l’Espagne puisse enfin m’accueillir, le Parti communiste français m’a ouvert les bras et j’y ai trouvé tous ceux que j’estime [...]. Je suis de nouveau parmi mes frères. » (Annette Wieviorka, in Picasso, Plus fort que Staline). Laurent Casanova, dans ses mémoires, se souvient de la première rencontre : “En septembre 1942 je rencontrais Aragon et Elsa Triolet […] déjà dans la clandestinité, nous lisions ensemble les premiers poèmes de guerre publiés dans la revue de Pierre Seghers. Mon émotion allait croître de façon déraisonnable quand Elsa me remit un exemplaire des ‘Amants d’Avignon’ et quand Louis entama la lecture de son grand poème sur Auschwitz dont il avait achevé l’écriture en voyage […] C’est dans le même temps que je rencontrai Picasso pour la première fois chez les amis d’Éluard [le couple Leiris] qui m’abritaient. Il savait seulement que j’étais un patriote traqué […] De ce temps là date une sympathie et une curiosité d’esprit en éveil comme aux premiers jours. Encore que je sache mieux, aujourd’hui, par où son art commence, et de quelles idées politiques et sociales, de quels sentiments de quelles patientes réflexions sur le métier, de quelle expérience originale cet art procède”. Au sortir de la guerre, Laurent Casanova, en charge de la communication et des affaires culturelles du Parti, rassemble ses amis, où une photographie de février 1946 le montre aux côtés de Triolet, Aragon, Picasso et Tillon lors de l’inauguration de l’exposition “Art et Résistance”, en février 1946. Deux ans plus tard, en août 1948, les 2 300 délégués du Parti sont réunis à Wroclaw, au Congrès Mondial des Intellectuels communistes. C’est là qu’est décidé la constitution du Mouvement pour la Paix, qui naîtra l’année suivante, les 20-25 avril 1949 à la salle Pleyel, à Paris.

Laurent Casanova demande alors à Pablo Picasso de dessiner la colombe destinée à symboliser le mouvement, dont il offre la première lithographie à Louis Aragon. La version définitive, qui symbolisera la Mouvement, sera crée l’année suivante, avec la brin d’olivier. Ce symbole, mondialement connu et reconnu, était bien sûr un rappel de l’anecdote biblique de la colombe rapportant à Noé un brun d’olivier, signe que la terre n’était plus inondée, ce qui signifiait la réconciliation et la paix. Avec un clin d’oeil à Paloma (colombe, en espagnol), la fille de Picasso, qui venait tout juste de naître, le 19 avril 1949, une semaine avant le Congrès de la salle Pleyel.


Imprimé à tout petit nombre, cette édition fut vraisemblablement offerte aux protagonistes de la pièce et aux proches immédiats. On connaît, dédicacés, les exemplaires de Dora Maar, Raymond Queneau, Georges Hugnet, Tristan Tzara, Léon Moussinac, Louis Aragon, Michel Leiris, Simone de Beauvoir, Pierre Bérès, Hélène Parmelin, Inès Sassier.


Daix (P.), Dictionnaire Picasso, Robert Laffont, 1995 ; G. Latour, Les Extravagants du théâtre, pp. 329-332 ; Laurent Casanova, Autobiographie, Archives privées ; Wieviorka, in Picasso, Plus fort que Staline, L’Histoire, n°335, 2008, p. 72).


Picasso rédigea Le Désir attrapé par la queue en janvier 1941, en seulement quatre jours, pendant le premier hiver de l’occupation allemande. Cette pièce, la première et la meilleure des deux qu’il écrira (la seconde étant Les Quatre petites filles), met en scène plusieurs personnages, dans l’esprit d’Ubu Roi, qui palabrent sous la table d’un hôtel. Tous ces convives ne sont occupés que par trois choses : la faim, le froid et l’amour. Longtemps avant d’être joué, Le Désir attrapé par la queue fut lu, le 19 mars 1944, chez les Leiris, Albert Camus oeuvrant comme maître de cérémonie, et Picasso se contentant d’être spectateur. La distribution des personnages et l’auditoire rassemblait tout ce que Paris comptait d’individus à la mode : Le Gros Pied : Michel Leiris, L’Oignon : Raymond Queneau, Sa Cousine : Simone de Beauvoir, Le Bout rond : Jean-Paul Sartre, Les Deux Toutous : Louise Leiris, L’Angoisse grasse : Dora Maar, L’Angoisse maigre : Germaine Hugnet. Le public était composé de Jacques Lacan, Cécile Éluard, Jean-Louis Barrault, Georges et Sylvia Bataille, Georges Braque, Maria Casarès, Valentine Hugo, Henri Michaux, Pierre Reverdy, et Claude Simon. Cette pièce légère à l’esprit potache fut donc l’occasion d’un moment de fête en pleine guerre. Trois mois plus tard, le 16 juin 1944, Picasso réunit à nouveau ces amis chez lui, rue des Grands-Augustins, et demanda à Brassaï de les immortaliser par une photographie restée célèbre. Picasso ressentira une réelle fierté quand son texte sera publié en 1945 : « au fond je crois que je suis un poète qui a mal tourné ».



Bel exemplaire broché de cette rarissime plaquette.

En parfait état et de très belle provenance historique.






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