Petite Naga 
- Texte et Gravures de F. Méaulle 
- 296 pages 
- Editeur : Ducrocq. (1891)

Dédicace de l'auteur sur la 1ère page 
- Beau livre rare et de qualité

Etat d'usage correct


Petite Naga, avec 90 illustrations de Ferdinand Bac, L. Mouchot, Baldo, Bayard fils, Mlle Simon et V. Méaulle, Paris, Ducrocq, 1891.

Extraits : 

CHAPITRE II 
HISTOIRE D'UNE PRINCESSE. D'UN TIGRE ET D'UN MENDIANT 
— « Dans l'Inde, deux cent cinquante millions d'hommes 
subissent le joug de soixante mille Européens! 
» Ils sont leurs esclaves, leur chose. 
» Quel rêve! D'une poussée, même sans armes, nous pour- 
rions les écraser et faire de ces dominateurs une telle hécatombe 
que pas un d'eux ne reverrait sa patrie!... 

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» La Patrie ! Voilà un mot européen, chère mignonne, mot 
prodigieux qui est l'âme de la vieille Europe; mot magique qui 
n'a pas de signification dans notre langue. Pour l'indien, un 
homme à peine éloigné de son village est un étranger au même 
titre que celui qui n'a ni son langage, ni sa religion. La discorde 
règne chez les princes, l'indifférence chez le peuple! Tu vois, je 
suis d'une race d'esclaves, de rascals ; mais du moins, pour 
quelques jours, j'ai pu faire une patrie de l'Inde, j'ai rendu 
libre un peuple : j'ai fait agir et vibrer des âmes qui sont retom- 
bées maintenant dans le pire des sommeils, celui de l'indiffé- 
rence et de l'abêtissement. » 

Petite Naga, qui adorait les histoires, prit une pose commode 
pour bien entendre et de sa voix toujours un peu moqueuse elle 
dit : « Il était une fois... » 
Le vieillard sourit, "regarda" la fillette avec une tendresse 
infinie et d'une voix plus douce, mais affreusement triste, 
commença ainsi son récit":
— « Mon père était un homme énergique et vaillant : il ne 
voulut pas,: au début de la domination,anglaise, accepter, la 
médiation de ses; dominateurs dans un différend qu'il" avait avec 
un prince voisin. De ce fait, il fut dépossédé. Il avait vingt ans 
alors !
» Quelques mois après, il se maria, pauvre et presque 
fugitif, à la ûlle du rajah de Sambalpour , grand ami des ....

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L'amour, ma pauvre enfant, fait de ces bizarres unions. 
» Voici comment mon père vit cette jeune fille et comment le 
pauvre mendiant redevint du jour au lendemain un des princes 
les plus riches de l'Inde, car les mines de Sanibalpour furent 
des dernières exploitées : Golconde ne donnait plus que des.... 

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La colère du vieillard semblait diminuer peu à peu. Sa voix 
devenait moins brusque; moins âpres étaient ses paroles. Du 
reste jamais son humeur noire ne résistait aux câlineries de 
Naga qui, d'un mot, d'un geste, d'une caresse, chassait les soucis 
de cette âme dont elle était, la maîtresse absolue. De plus, le 
drame qu'il allait raconter commençait en idylle et ce fut sur le 
ton d'une caressante tendresse qu'il continua : 
— « Voilà donc mon père errant, n'ayant d'autre compagnon 
que son poignard; mais il était jeune, fier et aimait les aventures. 
» Un jour il traversa un village qui lui sembla absolument 
abandonné. Etoimé, inquiet même, craignant qu'une épidémie' 
n'eût amené la fuite des habitants, il hâtait le pas et fuyait cette 
triste contrée quand, au coin d'une masure, il vit un vieillard 
debout, adossé à la muraille. 
» C'était un fakir. 
- » — Pourquoi ce village est-il désert, dit-il, le temple de 
Siva n'a-t-il plus de fidèles ? 
» Le fakir lui répondit : 
» — Le tigre a dévoré en cinq semaines plus de cinquante. 
des malheureux habitants ; le monstre déploie une telle férocité 
qu'aucun chasseur n'est venu le combattre. Tu sais que lorsqu'il 
est devenu « mangeur d'hommes » (man-eater comme l'appellent ...