Musique
orientale, musique occidentale. Deux vocables,deux styles qu'un fossé
semble séparer et qui, pour les oreilles non averties, sont quasi
incompréhensibles. La musique arabe, d'une infinie liberté mélodique,
rythmée, mais sans harmonie, est toute d'interprétation, reposant
presque uniquement sur le chanteur brodant inlassablement sur thème
poétique. La musique occidentale, au contraire, soumet l'inspiration aux
impératifs mathématiques de l'harmonie, et à ceux d'une construction
précise, ces deux impératifs guidant souvent le déroulement mélodique.
La
musique arabe doit tout son caractère, toutes ses qualités distinctives
à la richesse de sa mélodie, et à la variété de ses genres modaux
divisés en trois groupes:
1.- Les modes qui correspondent à certaines
gammes majeures ou mineures, tels que le NAHAWEND, correspondant à la
gamme de do mineur, le JAHARKEH, d'origine persane, connu en Afrique du
Nord sous le nom de MAZMOUM, et correspondant à la gamme de fa majeur,
le MAHOUR, qui correspond à la gamme de do majeur.
2.- Les modes qui
diffèrent de ceux précédemment cités et qui peuvent être interprétés par
des exécutants occidentaux grâce à leurs intervalles qui sont majeurs,
mineurs ou augmentés, tels que le mode HIJAZ KAR (seconde mineure,
tierce majeure, quarte juste) et le NAKRIZ (seconde majeure, tierce
mineure, quarte augmentée).
3.- Les modes typiquement orientaux ayant
des intervalles plus petits que le demi-ton. La musique arabe s'est
également enrichie d'un grand nombre de rythmes. C'est ainsi que nous
trouvons des compositions sur un rythme de 5, 7, 9, 10, 11, 13, etc...
Au début de ce siècle, naquit le grand compositeur égyptien CHEIKH SEID
DERWICH, originaire de la ville d'Alexandrie. Il devait enrichir la
musique arabe en y ajoutant quelques modes encore inconnus, et qui sont
d'origine turque ou persane, tels que le mode ZENGOULAH, (mélange de fa
majeur avec le Hijaz Kar déjà mentionné), et le mode BUSTAHNIKAR (Sikah
et Saba). Il a d'autre part enrichi cette musique par de nouvelles
formes inspirées de la musique occidentale, et ce fut le premier cas du
rapprochement entre la musique arabe et la musique occidentale. A sa
suite, un nouveau compositeur de talent, Mohamed ABDELWAHAB, a donné à
cette mélodique une nouvelle orchestration. Il introduit quelques essais
harmoniques dans certaines phrases, tout en essayant de garder
l'essence originale de la musique arabe. Cette musique, longtemps de
tradition orale, devient, depuis ce grand compositeur égyptien, une
musique écrite. C'est ainsi que le professeur Mohamed ABDELWAHAB a su
attirer toute la jeunesse du monde arabe, qui s'enthousiasme
actuellement pour la musique moderne.
C'est d'abord à cette jeunesse
que ce disque est destiné. Que les orientalistes purs ne cherchent pas à
y trouver une anthologie de la musique arabe ou la vulgarisation de
celle-ci. Il s'agit surtout de présenter les oeuvres notoires de ce
grand compositeur égyptien sous une forme nouvelle, et de permettre à
cette jeunesse de danser sur des airs qu'elle aime.
Ann HURUGEN, à
qui le professeur Mohamed ABDELWAHAB a confié personnellement la mission
d'écrire les arrangements, a su conserver à ces airs leur originalité.
Elle en a tiré l'essentiel, et, cet essentiel extrait, elle a su le
plier aux rythmes des danses modernes. Elle a harmonisé ces mélodies
dans l'esprit de la musique typique avancé, en y apportant les harmonies
logiques sur lesquelles repose toute mélodie bien construite. Elle y a
ajouté quelques phrases de remplissage, que demande toujours le jeu des
masses orchestrales.
L'orchestre de JORDI COLL apporte à
l'interprétation un style brillant et chaud, qui ouvre la porte à un
rapprochement entre la musique orientale et la musique
occidentale..."POUR DANSER".
ZEINEB KCHOUK,
Professeur au Conservatoire National de Musique de Tunis.