Jean LUGNIER
Né à Charlieu (Loire – Rhône-Alpes) en 1901,
mort à Locquémeau (Côtes d'Armor) en 1969.
Peintre, dessinateur, illustrateur, graveur.
Pour dresser un portrait de Jean Lugnier reférons-nous à quelques amis communs – mais quels amis ! – et tellement attachés à lui et à son oeuvre.
Jean-Daniel Maublanc (1892-1965), poète, critique d'art et de littérature, fondateur et animateur des '' Cahiers de La Pipe en Ecume '' et de la revue '' Point et virgule '', Louis Guillaume (1907-1971), écrivain et poète, '' Prix Max Jacob '' et '' Prix Antonin Artaud '', Albert Ginet, poète et dessinateur, André Flament, peintre, poète et Président du Salon des '' Peintres témoins de leur temps '' et Tristan Rémy, écrivain prolétarien et spécialiste du cirque. Une photographie ancienne de 1934 représente précisément Jean Lugnier aux côtés de Louis Guillaume. Nous retrouvons son air ouvert, franc, direct et sensible que tous nous diront.
Fils d'Antonin Lugnier (1863-1945), poète et chansonnier montmartrois, Jean dut travailler de bonne heure. Il fut peintre-décorateur mais son goût pour l'expression artistique se développa rapidement. Il consacra ses loisirs à l'étude de la peinture et suivit des cours à l'Ecole des Arts Décoratifs de Paris. Puis il se mit à l'école des maîtres et étudia ceux pour lesquels il montra toujours une grande prédilection comme Rembrandt, Corot et Van Gogh.
Jean Lugnier devait brosser son premier paysage à seize ans. Puis il ne cessa jamais de fréquenter le Louvre et les Galeries de la capitale.
A partir de vingt ans, ses inclinaisons artistiques se
précisent. Il plante son chevalet sur la Butte Montmartre qu'il
explore dans tous ses recoins, ainsi que sur les bords de la Seine
où l'attirent les jeux de la lumière, chers aux Impressionnistes
et à leurs successeurs. Il ne dédaignera pas la banlieue ouvrière
et les perspectives d'usines et de la
'' zône '' aujourd'hui
disparue ou déplacée, dont il sentira profondément le drame.
Alors, les expositions se succèdent : Salon des Indépendants où il exposera de 1921 à 1953, Galerie Gilbert, Galerie Dupuy ...
Excellent xylographe, il illustra les poèmes de Jean-Daniel Maublanc, dans '' Les Cahiers de la Pipe en Ecume '' , les poèmes de Louis Guillaume ainsi que ceux d'André Flament et une monographie sur Charlieu écrite par son père Antonin Lugnier.
Nous ne pouvons mieux parler de son talent qu'en empruntant à Paul Hay, fondateur et directeur de la revue '' Demain '', les lignes qu'il lui a consacrées dans une étude approfondie : « Lugnier, comme son oeuvre en témoigne, a toujours tenté le renouvellement de son talent ... en s'imposant pour règle une sensibilité disciplinée par son intelligence ... Le goût de la construction ne l'abandonnera jamais ... Il n'oubliera jamais non plus qu'il doit rester fidèle à sa propre nature, qu'il doit peindre selon ce qu'il voit et ce qu'il sent ».
Une des parties les plus importantes de son oeuvre sera peinte sur les bords de la Seine. « Nul mieux que lui d'ailleurs, dira encore Paul Hay, n'a su si bien saisir la tragique poésie de cette perse qui roule comme un lent désespoir, ni la mélancolie pénétrante de ces rives pelées hérissées de grues haletantes ou figées ... Ce n'est que par la suite encore, une fois que l'art aigu de Van Gogh sera intervenu dans sa progression, que Lugnier s'appliquera à modeler le ciel à l'égal des plans inférieurs mais déjà, par la place prépondérante qu'il lui accorde, on sent quel rôle important celui-ci va jouer dans sa peinture ». Cette dominante fournie par ses ciels a été maintes fois soulignée par des critiques comme Gaston de Pawlowski, René Chavance, et notre ami Jean-Daniel Maublanc dira encore :
« Lugnier vibrait au diapason de l'atmosphère ... Il accordait son âme aux tonalités du paysage ... ».
Mais le peintre n'en exaltera pas pas moins son Forez natal et Charlieu, le Val de Loire et la terre normande.
Jean Lugnier devint plus tard professeur de dessin de la Ville de Paris, puis enseigna pendant vingt ans à Asnières.
Il devait se retirer en Bretagne, dans les Côtes d'Armor, à Locquémeau, où il peignit jusqu'à ses derniers jours les marines chères à son coeur.
L'un de ses amis les plus intimes, André Flament, dira de lui au moment de sa mort : « Tu m'as demandé beaucoup pendant ces quarante années, mais toujours pour les autres, jamais pour toi ... Tu fus généreux, humain, animé d'un sens de la solidarité d'autant plus efficace que dans les temps fous où nous vivons il semble n'exister que peu souvent dans les actions des hommes ... Tu fus le peintre poète des vieilles rues de la capitale, des fortifications, de la '' zône '' et dans un sens ce m'est un réconfort de savoir que tu vas reposer à côté de Verlaine, au cimetière des Batignolles. »
D'après un journal local de Charlieu et de sa région.
Musées : Saint-Etienne (Musée d'Art et d'Histoire) : Vue de Charlieu.