Virgile, Opera, Énéide, livre IV- Édition de Sebastian Brant, Strasbourg, 1502, avec les gravures sur bois de Johan Grüninger. Feuille entière.

Enéide, livre IV, exemplaire numérique de la Bibliothèque nationale de France p.CCXXII

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Une tache hors gravure

De v.397 à v.435

Résumé

Didon et Enée, la reine de Carthage, vivent une passion irrésistible qui se termine par une union charnelle. Qui est rendue publique… Le prétendant éconduit de Didon, Iarbas, fou de rage, en appelle à Jupiter.
Jupiter, sensible à la prière de Iarbas, dépêche Mercure à Carthage pour rappeler à Énée que son destin est de fonder un empire en Italie. Aussitôt Mercure s'équipe et s'envole vers la Libye, en passant par le mont Atlas. Découvrant Énée occupé à l'embellissement de Carthage, Mercure lui transmet, sans ménager ses reproches, le message de Jupiter, puis disparaît dans les airs. Frappé de stupeur et décidé à obéir, Énée se demande comment faire comprendre sa décision à Didon. Il ordonne à ses compagnons ravis de préparer secrètement le départ.Didon se suicide.

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Alors en fait, les Teucères [Troyens] s'activent  et tirent les hautes nefs

depuis le rivage vers l'eau. Les coques ointes de poix flottent ;

pressés de fuir, les hommes apportent, trouvés dans les forêts,

des rames encore feuillues et des troncs de chêne non dégrossis.

On pouvait les voir quitter la ville et se ruer de tous côtés.

On eût dit des fourmis qui, pensant à la mauvaise saison,

pillent dans un immense tas du blé qu'elles mettent à l'abri ;

leur noire colonne sillonne la plaine et transporte le butin

 

dans l'herbe, sur un étroit sentier ; certaines obstinées poussent

sur leurs épaules d'énormes grains de blé ; d'autres ferment les colonnes,

fustigent les retardataires ; tout le sentier bouillonne d'activité.

 

Que ressentais-tu alors, Didon, à la vue d'un tel spectacle ?

Que de pleurs tu versais, lorsque, du haut de la citadelle,

tu apercevais au loin sous tes yeux tout le rivage s'agiter

et le bruit de la mer se mêler à de telles clameurs !

 

Amour cruel, à quoi ne réduis-tu pas les cœurs des humains !

À nouveau, elle doit recourir aux larmes, essayer encore la prière

et, en suppliante, subordonner sa fierté à son amour,

sans avoir tout tenté, elle qui se dispose à mourir.

« Anne, tu vois cette agitation tout le long du rivage :

ils ont afflué de partout ; déjà les voiles appellent les brises

et, joyeux, les marins ont garni les poupes de guirlandes.

Si j'ai pu m'exposer à ce point à endurer cette douleur,

ma sœur, je pourrai aussi la supporter. Mais Anne,

dans ma détresse, rends-moi un service. Car pour toi seule,

ce perfide avait de l'estime, te confiant même ses sentiments secrets ;

toi seule savait à quels  moments l'aborder aisément.

 

Va, ma sœur et, suppliante, parle à cet  ennemi orgueilleux :

Ce n'est pas moi qui, à Aulis avec les Danéens, ai juré d'exterminer

la race troyenne, et je n'ai pas envoyé de flotte contre Pergame ;

je n'ai pas arraché les cendres ou les Mânes de son père Anchise :

pourquoi refuse-t-il à mes paroles d’atteindre ses oreilles insensibles?

Où court-il ? Qu'il accorde à son amante une dernière faveur :

qu'il attende l'occasion d'une fuite facile et des vents favorables.

Je n'invoque plus notre ancien lien conjugal, qu'il a trahi,

je ne le prie de se priver de son beau Latium ni de renoncer à un royaume :

je demande un bref moment, un répit, un peu d'espace pour ma fureur,

le temps suffisant pour mon sort de m'apprendre à pleurer ma défaite.

 

Je lui demande cette ultime faveur – prends pitié de ta sœur ;

s'il me l'accorde, je la lui revaudrai largement par ma mort. »

 

Introduction et traduction de l’Université catholique de Louvain

Commentaire du Dickinson College

En haut à gauche, Mnestheus, Sergestus et Cloanthus dirigent la préparation des navires d'Énée pour le départ (287-91). Dans la moitié inférieure de l'image, les membres de l'équipage d'Énée chargent des armes et des provisions sur les navires. En haut à droite, Didon réprimande Énée, qui tente de défendre ses actions et d'expliquer pourquoi il doit partir (305-87). Didon porte à son visage un morceau de tissu, soit une partie de son voile, soit un mouchoir, ce qui indique qu'elle est émotive. Dans le portrait que Virgile fait de Didon, elle est beaucoup plus bouleversée que ne le montre Brant. (Katy Purington)

 

Commentaire de Utpictura18

Le texte au-dessus de l’image compare l’activité des Troyens préparant l’embarquement à celle d’une fourmilière :

[Elles vont à travers la plaine, noir bataillon, et charrient leur butin parmi les herbes sur d’étroits sentiers ; les unes, de toute la force des épaules, poussent d’énormes grains ; les autres rallient les troupes et harcèlent les retardataires : toute la route n’est qu’agitation et travail. (404-407)]

A droite sur l’image, Didon se confie à sa sœur (416) et lui demande d’intercéder pour elle auprès d’Énée. Qu’il lui accorde au moins un délai avant de partir. Au-dessus de Didon, à l’entrée d’une chapelle de son palais, l’ombre de Sychée, son premier mari l’appelle (460-461).


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La gravure se trouve entre un passe-partout 1,5 mm et un carton plume de 3 mm. Le tout en qualité musée.