Ne cherchez pas l'origine de ce titre : c'est l'auberge près d'un col d'une route
des Andes,
dangereuse et que les camions peinent à gravir ; « La Neige de l'Amiral »
c'est l'auberge tenue par Flor Estévez auprès de qui, un jour, Maqroll
el Gaviero a trouvé refuge.
« Maqroll est toujours séduit par des femmes libres, indépendantes et fortes de caractère » note I. Zainoun. Simplement, les marins aventureux, même l'amour ne les retient pas dans
ces altitudes…
Le
héros — mais anti-héros conviendrait mieux à un personnage marqué par
l'échec —
traverse l'œuvre d'Alvaro Mutis avec la constance du départ et du
retour, en vagabond cosmopolite. La tentative ici tourne le dos à la
mer. Il s'agit de remonter le cours du Xurando qui ne suit
le Xingu dans aucun dictionnaire ni atlas... Maqroll a refusé un
embarquement sur un navire de son ami Abdul Bashur pour tenter
l'aventure à son compte : dans le cours supérieur du fleuve, des
scieries seraient prêtes à livrer des cargaisons profitables et pour
une fois légales.
Naturellement
tout va de travers, Maqroll ne maîtrise pas les événements et la Mort
tend ses pièges ! Le fleuve Xurando, métaphore du temps qui passe,
ne fait que relier des bases militaires isolées et les scieries sont
inactives et sous surveillance militaire. Maqroll doit
s'interroger sur le but de son aventure et même sur sa possibilité.
L'embarcation va de panne de moteur en suicide de capitaine. Ne
serait-il pas préférable de retourner à "La neige de
l'amiral" après qu'une grave maladie, fièvre tropicale mystérieuse, a
failli mettre fin à l'expédition. La Mort est présente et Maqroll passe
son temps à l'éviter ; elle peut avoir figure humaine
— ici c'est une Indienne d'apparence trop aimable — ailleurs, dans
"Ilona vient avec la pluie", c'est la fille embarquée à Palerme. Maqroll
retournera naviguer, d'Est en Ouest et du Nord au Sud,
il tentera aussi d'échapper au destin en plongeant dans le passé,
comme en témoignent ces papiers manuscrits trouvés, à la fin d'un essai
sur les ducs de Bourgogne, exhumé dans une librairie de
Barcelone, déjà un cimetière des livres oubliés, par où commence la
narration.
Ce
Prix Médicis Etranger 1986 reste un livre à savourer avec un seul
défaut : la
brièveté. Heureusement le Xurando n'a pas été le tombeau du héros :
six autres romans ont suivi…et les tribulations de Maqroll el Gaviero se
trouvent aussi en collector de près de 900 pages chez
Grasset.
Alvaro MUTIS
La Neige de l'Amiral
Traduction d'Annie Morvan
Sylvie Messinger, 1986, et Grasset, "Les Cahiers rouges".