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Autographes des Siècles
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Jean COCTEAU (1889.1963)

 

Manuscrit autographe. 

Huit pages in-4°. Slnd (circa 1960)

 

« En me poussant à me délivrer de l’opium, ceux qui m’aiment m’ont rendu service, mais ils ont détruit mon équilibre et ma quiétude. »

 

Superbe manuscrit autobiographique de Cocteau décrivant sa difficulté à vivre et à créer, sa chute dans l’opium et ses souffrances. Il décrit également sa vision de l’œuvre d’art, évoquant le Cinéma, Picasso, Rimbaud, Chirico, Dali, et ses propres créations.

 

Cocteau répond ici aux questions d’André Fraigneau qui publia une biographie de l’artiste en 1957 et un ouvrage d’entretiens avec celui-ci.

 

 

« Je me demande parfois si mon malaise perpétuel ne nait pas d’une incroyable indifférence aux choses de ce monde, et si mes œuvres ne sont pas une lutte afin de m’accrocher aux objets qui occupent les autres, si ma bonté n’est pas un effort de chaque minute pour vaincre le manque de contact avec autrui. Sauf s’il m’arrive d’être le véhicule d’une force inconnue que j’aide exactement à prendre forme, je ne sais ni lire ni écrire ni même penser. Ce vide va jusqu’à l’atroce. Je le meuble comme je peux et comme on chante dans le noir. En outre ma bêtise affecte un air d’intelligence qui fait prendre mes maladresses pour une malice extrême et ma démarche de somnambule pour une agilité d’acrobate. Il y a peu de chances que ce mystère s’éclaircisse un jour et je pense qu’il me faudra souffrir après ma mort d’un malentendu analogue à celui qui m’empêche de vivre.

 

Plus j’ai de travail manuel plus j’arrive à croire que je participe aux choses terrestres et plus je m’y acharne, comme on s’accroche à une épave. C’est pourquoi j’ai abordé le cinématographe dont le travail est de chaque minute et m’éloigne du vide où je me perds. Lorsque je déclare que je n’ai pas d’idées je veux dire que j’ai des ébauches d’idées dont je ne suis pas le maître et que je n’arrive à entreprendre en travail que si, au lieu d’avoir une idée, une idée m’a, me hante, me dérange, me tourmente de telle sorte qu’il me faille la jeter dehors et m’en délivrer coûte que coûte. Le travail m’est donc une sorte de supplice. Après le travail, l’absence de travail en est un autre. Et le vide recommence et me laisse entendre que je ne travaillerai jamais plus. 

 

Je tâche de m’éloigner des villes parce que je n’y mène pas la vie des villes et que je n’en ai que les désavantages. Mais ces désavantages me procurent l’illusion d’une vie active. Loin des villes le vide se montre nu. Il m’arrive de rôder dans ma maison sans savoir pourquoi et de me retrouver dans un escalier ou dans une chambre sans motif. Il en résulte que je ne trouve mon équilibre ni dans la bousculade ni dans la solitude

 

On s’est étonné et même choqué parce que je m’étendais dans le journal de la Belle et la Bête, et de la difficulté d’être sur des maladies fort pénibles. Mais il fallait comprendre que la maladie me devenait une occupation de chaque seconde et me tenait lieu de contact. Elle faisait de moi un homme sensible au lieu d’un fantôme insensible. Elle m’humanisait et me permettait un de ces exercices (comme la chasse par exemple) auquel les hommes se livrent pour se distraire. Je souffre donc je suis. Voilà ce qui excuse cette impudeur. Le second stade était : je suis, donc je pense. Et cette preuve de mon état d’homme m’obligeait à penser à ne pas me pendre dans une sorte de sommeil indolore

 

Je ne commence à vivre intensément que dans le sommeil et dans le rêve. Mes rêves sont détaillés, terriblement réalistes. Ils m’entrainent dans des aventures innombrables, dans des contacts avec des lieux, des personnes qui n’existent pas à l’état de veille et dont le phénomène de songe m’invente les moindres objets, les moindres actes, les moindres paroles. Je m’efforce d’éponger tout cela le matin tellement je redoute d’embrouiller les deux mondes et d’ajouter l’irréalisme de mon existence à l’incompréhensible. 

 

Sans opium, c’est embêtant de parler tout le temps de soi. J’appelle critique indirecte une manière de parler de certaines choses en parlant d’autres. Par exemple, je parle des perspectives de la vie à propos de Chirico et de Chirico à propos des dimensions insolites dans lesquelles vivent les poètes. Il y a eu l’apparition d’une peinture qui n’est pas du tout abstraite mais qui s’attache plus aux problèmes qui excitent l’écrivain (…) Chirico nous en ouvrait les portes secrètes avec ses places, ses arcades, etc. Picasso….

 

Jamais une œuvre de moi n’a été mise sérieusement à l’étude, ni les œuvres jugées par rapport les unes aux autres. On me saute dessus à tel point de me courber et on m’accuse de légèreté. Légèreté certes, et je m’en vante. Mais pas celle qu’on croit. La légèreté consiste à juger légèrement une œuvre sans tenir compte de ses racines. Toute œuvre a ses cachettes et on se demande ce qui vaut le mieux, soit qu’on les découvre, soit qu’on ne les découvre pas (…) Un exemple : Les Chevaliers de la Table Ronde. C’est après avoir écrit la pièce que je m’aperçus qu’elle racontait une désintoxication. En me poussant à me délivrer de l’opium, ceux qui m’aiment m’ont rendu service, mais ils ont détruit mon équilibre et ma quiétude. Voilà ce que la pièce explique. Nul ne s’en doute et on y verra un sujet comme un autre, un sujet que j’ai choisi, alors que le sujet s’est imposé à moi sans même que je m’aperçusse de la transposition qui s’opérait en ma personne et du véritable sens de l’intrigue. Rien de plus beau que le travail de poète.

 



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