JEAN-PIERRE GEAY
HENRI GOETZ
L'Invisible Demeure
Sauveterre-du-Gard, Éditions La Balance, 1987
145x225mm - [24 pages]

Livre d'artiste en tirage de tête comprenant un magnifique texte de Jean-Pierre Geay sur l'art de son ami et collaborateur Henri Goetz (1909-1989), et trois gravures signées et justifiées par l'artiste, dont 1 au carborundum, en couleurs, en frontispice, 1 eau-forte sur cuivre en queue, toutes deux en pleine page, et 1 gravure supplémentaire, pointe-sèche sur cuivre. 

Tirage à 153 exemplaires répartis comme suit : 

- 16 exemplaires de tête sur BFK Rives avec 3 gravures signées dont 4 nominatifs avec suite ; 

- 37 exemplaires sur BFK Rives avec 2 gravures signées ; 

- 100 exemplaires sur Arches Ingres MBM avec 2 dessins reproduits réalisés spécialement pour cette édition.


Exemplaire de tête III/XII avec 3 gravures signées et justifiées par l’artiste sous les gravures et par l'auteur au colophon


Cet ouvrage consacré à l'art de Henri Goetz est le 5e dialogue initié par l'éditeur Jean-Louis Meunier entre l'oeuvre de l'artiste et celle de l'écrivain Jean-Pierre Geay qui compte pas moins de 17 ouvrages publiés en quatre années seulement, de 1985 (1. Fin de Course ; 2. Au-Delà des Frontières ; 3. Les Fonds de la Nuit ; 4. L'Alphabet de Henri Goetz en 1986) jusqu'au suicide du peintre-graveur le 12 août 1989, qui mit un terme soudain à cette féconde aventure éditoriale et humaine. Grand spécialiste de l'oeuvre de Henri Goetz, Jean-Pierre Geay y analyse avec une grande précision les rapports du peintre et graveur français d'origine américaine, proche de Picabia et Ubac, avec le mouvement surréaliste autour duquel il gravite sans jamais s'y fondre ou confondre, avec une approche plus allusive et suggestive de l'image, l'abstraction ou encore le constructivisme. Passionnante étude ! 

"Dès leur première rencontre, Jean-Pierre Geay et Henri Goetz savaient que leur écriture parlait la même langue. Chaque ligne est à franchir pour aller plus loin ou en face, les chemins ont un but - le coeur de la forêt ou la nuit - et l'exploration du vaste monde conduit l'aventurier à croiser la fracture, l'invisible, la mutation. Quoi qu'il en soit, le poète et le graveur sont emportés par la grammaire de leur alphabet et par l'attraction de l'univers - fut-il nocturne - vers l'ultime rencontre du regard et de son double dont la quintessence tient dans l'espace d'une carte de visite. Que les textes de Jean-Pierre Geay soient d'essence poétique, qu'ils abordent aux rives de l'art, ils étaient en attente de leur semblable, mais du même côté du miroir, pour s'interpénétrer dans des études sur l'oeuvre de Henri Goetz et auxquelles le graveur a apporté sa pierre." 
Jean-Louis Meunier, in Henri Goetz / Jean-Pierre Geay, Livres et Manuscrits. F.O.L, Ardèche, 1990, p. 43. 

Superbe exemplaire de ce livre d'artiste tiré à petit nombre. Aucun défaut à signaler. Envoi soigné et sécurisé. 

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Professeur agrégé de lettres modernes, Jean-Pierre Geay a enseigné à Privas puis à Aubenas jusqu’en 2002. "Poète de la lumière et de l'éphémère", des paysages des Alpilles et de l'Ardèche, nourri de l'influence de Pierre Reverdy et de la proximité de René Char, son écriture poétique exprime également un regard critique sur la peinture, au gré de ses rencontres avec les artistes. Publié depuis 1962, responsable en 1969 de la revue Fénix et fondateur en 1973 avec René Daillie de la revue Solaire, il se place ensuite volontairement en marge des grands éditeurs. Avec l’artiste et éditeur Pierre-André Benoit à partir de 1973, puis avec Jean-Louis Meunier aux éditions La Balance à partir de 1984, il développe une intense collaboration critique et bibliophilique avec de nombreux artistes peintres, graveurs ou relieurs, réalisant plus de 200 éditions illustrées imprimées ou manuscrites à tirage limité.
Auteur d'ouvrages critiques ou de catalogues d'expositions sur ses amis Henri Goetz, Yves Mairot et Bernard Alligand, il a également collaboré avec une quarantaine de plasticiens, dont Jacques Truphémus, Paul Siché, Jean-Jacques Morvan, Michel Lajaunie, Marcel Dumont, Jacques Le Roux, Sabine Dubourg, Marcel Roy, Marcel Mélot, Jean-Marie Fage, James Guitet, Pierre-André Benoit, Charles Marq, Robert Droulers, Roger Bertemès, Michel Uhlrich, Patrice Pouperon, Chantal Giraud-Cauchy, Hans Steffens, Dagmar Martens, Nathalie Dasseville, Arthur-Luiz Piza, Henri Laugier, Nadia de Clauzade, Thierry Lambert, Brigitte Simon, Mohamed Fathy Abou El-Naga, Roger Dérieux, Roger Druet, Henri Mouvant.
Entre 2011 et 2013, Jean-Pierre Geay a fait une donation à la Bibliothèque municipale d'Angers de plus de 3000 documents rassemblant l’ensemble de son œuvre poétique et bibliophilique et toutes les archives, correspondances, maquettes de livre, gravures, dessins et peintures permettant de comprendre la genèse de son œuvre et ses collaborations avec les artistes. Cette donation a donné lieu à une exposition à la Médiathèque Toussaint en 2014-20151.

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Henri Goetz est un artiste né à New York dans une famille française qui s’installe définitivement à Paris en 1930. Sa peinture rassemble à la fois les leçons du Surréalisme et les influences de l’Abstraction lyrique. Ingénieur de formation, Henri Goetz invente une technique de gravure ainsi qu’un nouveau pastel.

LA JEUNESSE D’HENRI GOETZ À NEW YORK

Henri Goetz naît le 29 septembre 1909 à New York dans une famille d’origine française. Son père dirige une entreprise de matériel électrique et encourage naturellement son fils vers la voie de l’ingénierie. En 1927, Henri Goetz intègre MIT (Massachusetts Institute of Technology) à Boston. Il commence alors à s’intéresser à l’art et suit des cours de dessin. En 1929, il s’inscrit à l’université de Harvard et y étudie l’Histoire de l’art. Dès l’année suivante, il prend des cours de peinture à la Grand Central School of Art de New York. Ses camarades lui racontent leurs expériences à Paris ce qui donne l’envie à Goetz de s’installer en France.

HENRI GOETZ À PARIS

Arrivé à Paris en 1930, Henri Goetz fréquente l’Académie Julian puis l’atelier du peintre Amédée Ozenfant. Il peint essentiellement des portraits: «Au début je me suis consacré uniquement au portrait, car la figure humaine me paraissait contenir une chaleur que je n’avais pas trouvée dans mes études où je me préparais à une carrière d’ingénieur électricien. Durant ces six années, la peinture apprise dans les académies me servait à créer des ressemblances et à approfondir l’intimité du regard des autres.» L’artiste exprime la personnalité de ses modèles à travers une peinture expressionniste et colorée.

En 1934, Henri Goetz rencontre le peintre Victor Bauer qui lui fait découvrir la peinture surréaliste mais aussi le freudisme et les arts premiers. L’année suivante, il épouse la peintre Christine Boumeester qu’il avait rencontré à la Grande Chaumière. Henri Goetz découvre la peinture de Picasso, de Paul Klee, de Fernand Léger et de Kandinsky. Le couple devient également très proche de Hans Hartung, leur voisin du 19, rue Daguerre, qui les introduit dans le cercle des peintres abstraits. Cette année-là, les trois peintres exposent ensemble au Salon des Surindépendants.

En 1936, Henri Goetz bascule vers une peinture non figurative avec un aspect surréaliste. Il raconte : « Si je choisis le monde non figuratif, c’est que je crois qu’il est plus vaste que l’autre. Je crois qu’il y a plus à découvrir dans l’inconnu que dans le connu. Si la limite du connu est l’inconnu, l’inverse ne me semble pas vrai.»  Le peintre Henri Goetz bénéficie de sa première exposition personnelle l’année suivante à la Galerie Bonaparte (Van Leer). Il se lie d’amitié avec les artistes César Domela, Luis Fernandez, Julio Gonzales, Maria Helena Vieira da Silva et son mari Árpád Szenes, Gérard Vulliamy et Gérard Schneider.

HENRI GOETZ ET LE SURRÉALISME

En 1938, Henri Goetz peint à la tempéra et à la peinture à l’œuf sur des photographies d’œuvres anciennes célèbres, comme une collaboration posthume avec les maîtres. André Breton découvre ces œuvres en 1939 et les appelle « Chefs-d’œuvre corrigés ». Ces peintures seront exposées pour la première fois seulement en 1975 à la Galerie Jean-Claude Bellier à Paris. Le peintre Henri Goetz se situe ainsi entre surréalisme et abstraction : « Je croyais pouvoir créer des formes où mon inconscient rejoindrait ceux des autres. Cette démarche n’était pas étrangère à celle des surréalistes mais sa réalisation s’opérait dans un univers des formes pour moi abstraites, mais évocatrices d’objets connus, parfois organiques. Cette ressemblance ne m’intéressait guère, ce qui m’éloignait des surréalistes. L’espace de mes tableaux ressemblait à celui des œuvres classiques. Je n’étais pas considéré comme artiste abstrait et pourtant je me sentais plus près d’eux.»

La Seconde guerre mondiale éclate en 1939. Henri Goetz, américain, n’est pas mobilisable car les États-Unis ne sont pas encore entrés dans le conflit. Il devient résistant et entre dans la clandestinité. Goetz et son épouse se rendent à Carcassonne où ils rejoignent les peintres belges Raoul Ubac et René Magritte. De retour à Paris en été 1940, Henri Goetz, Raoul Ubac et le peintre Christian Dotremont fondent la revue surréaliste La Main à la Plume. Henri Goetz peint des illustrations à l’aquarelle pour les écrivains Paul Eluard et Georges Hugnet. En 1942, La Femme Facile de Hugnet, illustré par Goetz, est publié aux Éditions Jeanne Bucher. Cette même année, la Galerie Jeanne Bucher expose ensemble Henri Goetz et Christine Boumeester. Les deux artistes rencontrent Picasso.

HENRI GOETZ DANS LE MIDI

Les États-Unis entrent en guerre en 1942 et le couple Goetz se réfugie dans le Midi où il retrouve Jean Arp, Alberto Magnelli et Nicolas de Staël. Puis, les Goetz quittent Nice pour Cannes où ils rencontrent les Picabia. En 1943, Henri Goetz crée des lithographies pour Explorations écrit par Francis Picabia et paru en 1945 aux Éditions Vrille. La critique d’art Maria Lluïsa Borràs i González publie une monographie sur Francis Picabia en 1985 dans laquelle elle affirme que « le retour à l’abstraction de Picabia est dû aux conversations avec ce jeune couple de peintres, Christine Boumeester et Henri Goetz [...]. Ouverts et cordiaux, ils étaient amis avec de nombreux artistes de leur génération, Hartung, Vieira da Silva, Domela, Atlan ou Raoul Ubac, avec qui ils avaient fondé La Main à plume, considérée comme l’organe de la seconde vague surréaliste. »

HENRI GOETZ DANS LE MIDI

Les États-Unis entrent en guerre en 1942 et le couple Goetz se réfugie dans le Midi où il retrouve Jean Arp, Alberto Magnelli et Nicolas de Staël. Puis, les Goetz quittent Nice pour Cannes où ils rencontrent les Picabia. En 1943, Henri Goetz crée des lithographies pour Explorations écrit par Francis Picabia et paru en 1945 aux Éditions Vrille. La critique d’art Maria Lluïsa Borràs i González publie une monographie sur Francis Picabia en 1985 dans laquelle elle affirme que « le retour à l’abstraction de Picabia est dû aux conversations avec ce jeune couple de peintres, Christine Boumeester et Henri Goetz [...]. Ouverts et cordiaux, ils étaient amis avec de nombreux artistes de leur génération, Hartung, Vieira da Silva, Domela, Atlan ou Raoul Ubac, avec qui ils avaient fondé La Main à plume, considérée comme l’organe de la seconde vague surréaliste. »

HENRI GOETZ ET LA GRAVURE

La gravure est une partie importante de l’œuvre de Henri Goetz à laquelle il consacre beaucoup de temps à partir de 1940. En 1948, Goetz publie un album de gravures aux éditions Les Nourritures Terrestres, puis fonde sa propre maison d’édition : Groupe Graphies avec son épouse, le graveur Albert Flocon et l’artiste Raoul Ubac.

La totalité de son œuvre gravé est estimé autour de 650 estampes. Le département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale de France en possède l’ensemble le plus important avec 425 estampes réalisées grâce à des techniques diverses: burin, eau- forte, lithographie et sérigraphie.

Henri Goetz maîtrise en effet les techniques traditionnelles de gravures. De plus, en 1968, il invente le procédé de la gravure au carborundum, qui sera aussi connue sous le nom de «procédé Goetz». L’artiste utilisera exclusivement ce procédé à partir de 1969. Ce long travail de recherches est documenté dans l’ouvrage La Gravure au carborundum préfacé par le peintre Joan Miró et édité par la Galerie Maeght. Henri Goetz enseigne lui-même cette technique à ses amis les peintres Antoni Clavé, James Coignard, André Masson et Max Papart. Henri Goetz a une formation d’ingénieur et a une curiosité naturelle pour les sciences. C’est lors d’une expérimentation qu’il découvre que le carborundum est résistant à la chaleur et à la pression. Le carbure de silicium (carborundum) est un abrasif artificiel obtenu en chauffant à haute température du charbon en poudre avec de la silice jusqu’à ce que le mélange cristallise. Pour la gravure, ces grains abrasifs sont mélangés avec des colles ou des vernis qui vont les fixer sur la plaque. Cette plaque est ensuite encrée. Les grains de carborundum étant rugueux, Ils retiennent l’encre et créent une multitude de points noirs. C’est donc le matériau parfait pour créer des demi-teintes.

HENRI GOETZ ET LE PASTEL

En parallèle, Henri Goetz commence ses recherches sur la technique du pastel. En 1949, il demande au marchand de couleurs Henri Sennelier de créer pour son ami Picasso une technique alliant pastel et peinture. De cette collaboration entre les deux inventeurs naît le pastel à l’huile Sennelier inspiré par les bâtons de peinture à l’huile mis au point par le peintre Jean-François Raffaëlli autour de 1890. En 1979, Henri Goetz a l’idée de chauffer le papier avant d’y apposer le bâton de pastel ce qui fait fondre ce dernier. Cela lui permet de peindre directement avec la couleur, sans outils intermédiaire. Henri Goetz apprend également la technique du papyrus. Il fabrique ainsi ses propres supports de dessin à partir de 1979.

HENRI GOETZ ET L’ENSEIGNEMENT

De 1950 à 1955, Henri Goetz enseigne la peinture à l’Académie Ranson (école d’art fondée en 1908 à Paris par le peintre Paul-Elie Ranson). Puis, entre 1955 et 1964, il donne des cours de peinture aux académies de la Grande Chaumière ( jusqu’en 1960), Notre-Dame-des- Champs, Raspail, Fréchet et Malebranche, ainsi qu’au Conservatoire américain de Fontainebleau. Il fonde sa propre académie en 1965 dans les locaux de l’ancienne Académie d’André Lhote (18, rue d’Odessa, passage du Départ) où il enseignera bénévolement jusqu’en 1984. L’artiste témoigne : « Cet enseignement m’apporte au moins autant qu’il apporte aux autres et j’aime dire que je suis parmi les meilleurs élèves de mes ateliers, car plus on sait, plus l’on est à même d’apprendre. »

LA POSTÉRITÉ D’HENRI GOETZ

Henri Goetz est fait chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres en 1967. En 1970, il intègre la commission du 1% pour la décoration des bâtiments publics. Le Musée Goetz-Boumeester est créé en 1983 à Villefranche-sur- Mer. Ce musée accueille une donation d’une cinquantaine d’œuvres de Christine Boumeester et autant d’Henri Goetz ainsi que quelques œuvres de leur collection créées par leurs amis : Picasso, Picabia, Miro et Hartung. Christine Boumeester meurt à Paris le 10 janvier 1971 et Henri Goetz meurt à Nice le 12 août 1989.

Texte © Galerie Diane de Polignac