École de Paris d'après
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:
L'École de Paris est une notion qui désigne l'ensemble des
artistes
étrangers arrivés avant les années 1920.
Précisions liminaires
L'expression générique « École de Paris » pose un problème
lorsqu’on
l’utilise pour désigner un groupe d’artistes en
particulier. En
réalité, elle ne fait référence à aucune école ayant
véritablement
existé ; l’expression, qui a fait l’objet d’emplois
impropres, reste
donc ambiguë et mérite d'être explicitée.
Dans son Dictionnaire des peintres de l’École de Paris
(1993), Lydia
Harambourg justifie l’emploi de l'expression par la
continuité qu’elle
permet d’établir entre les différentes phases de
développement de l’art
moderne de la part d’artistes ayant eu Paris pour
résidence. Son livre
ne présente pas une école ou un courant particulier, mais
vingt années
de peinture à Paris :
« Le terme École de Paris sera gardé,
parce qu’aucun
autre ne peut mieux désigner, en ces années
d’après-guerre, la
suprématie de la capitale en matière d’art. »
Dans cette acception, l’École de Paris rassemble les
artistes ayant
contribué à faire de Paris le foyer de la création
artistique jusque
dans les années 1960.
On distingue en général trois grandes périodes de mutation
dans le
paysage artistique parisien au XXe siècle, chacune étant
la
manifestation d’un renouveau de la précédente. La première
période va
de 1900 aux années 1920, la deuxième couvre
l’entre-deux-guerres et la
dernière désigne l’après-Seconde Guerre mondiale.
Chronologie :
1900-1920
C'est le 27 janvier 1925 qu'André Warnod utilise
l'expression « École
de Paris » pour la première fois, et ce dans un article de
la revue
littéraire Comœdia (fondée par Gaston de Pawlowski en
1907). Il désigne
ainsi l'ensemble des artistes étrangers arrivés au début
du XXe siècle
dans la capitale à la recherche de conditions favorables à
leur art. De
1900 à la Première Guerre mondiale, Paris a vu en effet
l'afflux
d'artistes, souvent d'Europe centrale, qui se fixent
essentiellement à
Montparnasse. Parmi eux Marc Chagall, Pablo Picasso,
Pascin, Amadeo
Modigliani et Tsugouharu Foujita pour ne citer
que les plus célèbres.
L'expression « École de Paris » a donc acquis, à ce
moment-là, un sens
propre et communément admis.
Pablo
Picasso
|
Nombreux sont les peintres juifs de
l’École de Paris. Ces artistes
viennent de l’Est : Russie, Pologne, Allemagne,
Bulgarie,
Tchécoslovaquie, Roumanie, Hongrie. Ils ont été
familiarisés avec les
grands maîtres français du XIXe siècle et
connaissent les
impressionnistes par l’intermédiaire de leurs
professeurs comme Józef
Pankiewicz à Cracovie, Ilia Répine à Saint
Pétersbourg, Adolf Fényes,
Isaac Perlmutter à Budapest et Lovis Corinth à
Berlin. Âgés d’une
vingtaine d’années pour la plupart, ils ont été
des acteurs de
l’émancipation juive, et participent au mouvement
de réveil social et
intellectuel en Europe qui se caractérise par la
perte du religieux et
l’engagement politique, et se trouvent en
coïncidence avec le contexte
cosmopolite des grandes capitales de l’époque,
Vienne, Berlin et
surtout Paris. D'après l'étude de Nadine Nieszawer
(Peintres juifs à
Paris 1905-1939), ils seront plus de cinq cent
peintres dans le Paris
de l'entre-deux-guerres, formant un réseau
d'amitié et, de proche en
proche, se connaissant tous.
Les artistes juifs de l'École de Paris.
La guerre de 1914-1918 aura tôt fait de les
disperser, renvoyant en
Allemagne Rudolf Levy (de), Walter Bondy (de) et
Otto Freundlich.
Léopold Gottlieb part rejoindre en Pologne l'armée
du maréchal
Pilsudski. Marc Chagall, Emmanuel Mané-Katz,
Savely Schleifer
retournent en Russie.
Nombreux sont ceux qui se portent
volontaires dans l'armée française :
Kisling est reformé en 1915, après une blessure ;
Louis Marcoussis, ami
d'Apollinaire, sera décoré ; quant à Simon
Mondzain, il gardera
l'uniforme jusqu'en juillet 1918. Certains,
réformés pour raisons de
santé, comme Modigliani et Soutine, se portent
alors volontaires pour
des corvées. Pascin part pour Londres afin
d'échapper au service dans
l'armée bulgare.
Pendant les années de guerre, les artistes
restés à Paris sans pension
ni aide se solidarisent. À partir de 1915, Marie
Vassilieff tiendra une
cantine artistique dans son atelier situé dans
l'impasse du 21 de
l'avenue du Maine, qui ne désemplit pas durant
toute la guerre. On y
parle toutes les langues.
|
La Première Guerre mondiale marque l'entrée des
peintres juifs de
Montparnasse sur la scène parisienne. En décembre 1915,
Germaine
Bongard, sœur du couturier Paul Poiret, parraine une série
d'expositions dans sa boutique de la rue de Penthièvre.
Les artistes juifs de l'École de Paris.
La guerre de 1914-1918 aura tôt fait de les
disperser, renvoyant en
Allemagne Rudolf Levy (de), Walter Bondy (de) et
Otto Freundlich.
Léopold Gottlieb part rejoindre en Pologne l'armée
du maréchal
Pilsudski. Marc Chagall, Emmanuel Mané-Katz,
Savely Schleifer
retournent en Russie.
Nombreux sont ceux qui se portent
volontaires dans l'armée française :
Kisling est reformé en 1915, après une blessure ;
Louis Marcoussis, ami
d'Apollinaire, sera décoré ; quant à Simon
Mondzain, il gardera
l'uniforme jusqu'en juillet 1918. Certains,
réformés pour raisons de
santé, comme Modigliani et Soutine, se portent
alors volontaires pour
des corvées. Pascin part pour Londres afin
d'échapper au service dans
l'armée bulgare.
Pendant les années de guerre, les artistes restés
à Paris sans pension
ni aide se solidarisent. À partir de 1915, Marie
Vassilieff tiendra une
cantine artistique dans son atelier situé dans
l'impasse du 21 de
l'avenue du Maine, qui ne désemplit pas durant
toute la guerre. On y
parle toutes les langues.
La Première Guerre mondiale marque l'entrée des
peintres juifs de
Montparnasse sur la scène parisienne. En décembre
1915, Germaine
Bongard, sœur du couturier Paul Poiret, parraine
une série
d'expositions dans sa boutique de la rue de
Penthièvre.
La première présente des tableaux de Modigliani,
des tableaux de
Kisling, qui voisinent avec des tableaux de
Picasso, des tableaux de
Fernand Léger, d'Henri Matisse et d'André Derain.
Ces peintres se défont peu à peu de la position de
marginaux qui était
la leur. Le retour du front leur procure un «
certificat de bonne
conduite », des perspectives s'ouvrent alors.
Léopold Zborowski organise le 3 décembre 1917 la
première exposition
personnelle de Modigliani, à la galerie B. Weill,
et pour la préface du
catalogue, Blaise Cendrars écrit un poème.
|
André
BLONDEL
|
L'Entre-deux-guerres
Trois étapes d'immigration des artistes de l'École de
Paris
Eugene Zak quitte Varsovie pour Paris dès 1900, Mela Muter
en 1901,
Jacques Gotko arrive d'Odessa en 1905 et Adolphe Feder
d'Ukraine en
1908, la même année que l'Allemand Otto Freundlich. Samuel
Granowsky
arrive en 1909, tout comme Maurice Mendjizki, qui vient de
Łódź.
Quittant la Russie, Marc Chagall passe d'abord, à partir
de 1910,
quatre années à Paris. Istvan Farkas arrive de Budapest en
1912,
Emmanuel Mané-Katz d'Ukraine en 1913...
Ceux qui se sont installés entre 1900 et 1912 ont eu le
temps de mettre
en place le réseau d'amitiés et de relations nécessaires à
leur essor.
D'autres peintres leur succèdent, fascinés par
Montparnasse.
Les rejoignent bientôt : Vladimir Naïditch de Moscou en
1920, Zygmunt
Landau de Pologne en 1920, Alexandre Fasini d'Ukraine en
1922. Le Russe
Ossip Lubitch arrive en 1923, le Biélorusse Isaac Antcher
en 1924, la
Polonaise Esther Carp en 1925. Issachar Ryback arrive
d'Ukraine en
1926, Abraham Iris (dit Antoine Irisse) arrive de
Bessarabie en 1926,
Jacob Macznik de Pologne en 1928. Quant au prince russe,
le peintre
Alexis Arapoff, né à Saint-Pétersbourg, il a fui l'URSS,
en 1924, avec
une troupe de théâtre.
L'Entre-deux-guerres connaît donc l'arrivée d'autres
artistes (russes
notamment, comme André Lanskoy, Serge Poliakoff, Alexandre
Garbell,
etc.) et voit l'émergence de nouvelles tendances
stylistiques, telle
l'abstraction, ainsi que l'importance de la couleur en
peinture.
Serge POLIAKOFF
|
Dès l'accession d'Hitler au pouvoir
en
1933, les peintres fuient
l'Allemagne nazie : le Lituanien Moses Bagel,
Jésékiel Kirszenbaum et
Jacob Markiel arrivent à Paris. En Pologne, Sam
Ringer, après avoir été
forcé de travailler à la construction du camp
d'Auschwitz, fut déporté
successivement dans neuf camps différents et finit
par venir à Paris en
1947 pour entrer aux Beaux-Arts.
Montparnasse remplace Montmartre. À Montparnasse,
pendant vingt ans,
sous le manteau ou sous les tables des terrasses
de La Rotonde, du
Dôme, de la Coupole, des trafiquants achètent et
vendent des tableaux
de Derain, des tableaux d'Utrillo, des tableaux de
Modigliani ou de
Picasso échappés par miracle du carton des
peintres.
En effet, les trois principaux cafés de l'École de
Paris sont le Dôme,
la Rotonde et la Coupole. Plus excentré à Puteaux
on trouve le
restaurant de Camille Renault dit "Big Boy".
Le Dôme a été créé en 1898 et c'est vers 1903 que
les peintres juifs de
langue germanique, Walter Bondy, Rudolf Levy (de),
Béla Czobel, Jules
Pascin, Reszo Balint… en font leur lieu de
prédilection selon la
tradition des cafés munichois. Ils y retrouvent
les marchands de
tableaux Alfred Flechtheim (de), Henir Bing...
D'autres groupes se
composent de peintres hollandais et scandinaves.
La Rotonde est un établissement ancien,
pris en main par Victor Libion
en 1911. Cet homme très généreux envers les
peintres accueille peintres
et parfois homme de ménage en échange de
consommations, mais aussi
Michel Larionov, Nathalie
Gontcharova, Adolphe
Feder. Des difficultés
financières obligent Libion à vendre La Rotonde en
1920. Au même titre
que les marchands de tableaux, cet homme a
largement contribué à
l'éclosion de cette vie grâce à son attitude et à
sa sensibilité. |
On raconte qu'André Salmon pendant des années a fait
campagne pour que
la statue de Balzac, boulevard Raspail, soit remplacée par
celle de
Libion.
La Coupole est inaugurée en décembre 1927 par les artistes
gérants du
Dôme Fraux et Laffont. Une trentaine de peintres ont
décoré les piliers
et les murs avec des tableaux peints directement sur le
béton : Fernand
Léger, Marie Vassilieff, David Seifert, Nathan Grunsweigh,
Georges
Kars, Othon Friesz…
La Seconde Guerre mondiale
Un groupe de peintres, qui entreprennent d'exposer sous
l'Occupation,
est rassemblé par l'exposition Vingt jeunes peintres de
tradition
française, organisée en 1941 par Jean Bazaine et l'éditeur
André
Lejard. L'intitulé de l'exposition masque en réalité la
démonstration
d’une peinture non conforme à l'idéologie nazie de l'art
dégénéré.
« Tous ces peintres, d'âge et de
tendance
très divers, se trouvèrent
d'accord sur la résistance nécessaire de la
peinture. Ce qui leur fit
accepter ce titre général et lénifiant, destiné à
rassurer l'occupant
(…) Il ne s'agissait de rien d'autre – de rien
moins – que de
permettre, par surprise, une exposition
judéo-marxiste, sous toutes ses
formes, à une époque où les galeries n'osaient
montrer que de l'art
d'obédience nazie. Après refus d'un certain nombre
de galeries, la
galerie Braun accepta le risque de l'exposition,
qui fut accueillie par
des torrents d'injures d'une presse bien dressée
», écrira en 1998 Jean
Bazaine.
En effet ces peintres sont bien loin des
formes traditionnelles de
l’art. Rangés toutefois sous le terme de «
tradition », ils ne sont pas
inquiétés par la censure du régime de Vichy. « Je
me souviens assez
bien du vernissage : sont arrivés deux officiers
allemands qui se sont
avancés jusqu'au milieu de la galerie. Ils ont
jeté un coup d'œil, se
sont regardés, ont tourné les talons. C'est tout.
C'était l'époque où
les Allemands voulaient encore être gentils »,
dira encore Bazaine.
L’exposition devient le manifeste d’une peinture
moderne et fédère
plusieurs artistes à tendance non-figurative :
Jean Le Moal, Alfred
Manessier, Charles Lapicque, Jean Bazaine, Édouard
Pignon, Léon
Gischia, Maurice Estève, Charles Walch, Gustave
Singier, Jean
Bertholle, André Beaudin et Lucien Lautrec.
Deux ans plus tard, du 6 février au 4 mars 1943,
une exposition
collective, Douze peintres d’aujourd’hui, se tient
à la Galerie de
France avec Bazaine, Bores, Chauvin, Estève, André
Fougeron, Gischia,
Lapicque, Le Moal, Pignon, Singier, Villon,
Lautrec, Tal Coat. Malgré
leurs différences esthétiques, émergent de ce
groupe ces artistes qui
seront bientôt désignés comme membres d’une
Nouvelle École de Paris.
Pierre Francastel, dans un livre écrit sous
l’Occupation mais publié à
la Libération en 1946 (Nouveau dessin. Nouvelle
peinture. L’École de
Paris), labellise en effet le style roman et cubiste
de ces peintres
dit « de tradition française » en reprenant la
formule d’André Warnod. |
Maurice ESTEVE
|
L'après-guerre
Aujourd’hui, l'expression « École de Paris » recouvre
plusieurs
acceptions.
L’expression a été détournée par certains dans les années
1950 pour
définir une esthétique figurative nationale ; elle prend
alors une
connotation fortement péjorative dans le vocabulaire de la
critique de
la fin des années 1960 flagornant l’École de New York. Par
ailleurs,
des galeries parisiennes relaient la confusion quant à
l’utilisation du
terme. En janvier 1952, lors d’une exposition à la galerie
Babylone,
Charles Estienne prend le parti de ne rassembler que des
artistes à
tendances abstraites. Ils y sont présentés comme garants
de la Nouvelle
École de Paris née entre 1940 et 1950. La galerie
Charpentier, en 1960,
élargit sa sélection d’artistes. Elle est exposée par la
Biennale de
Paris en 1961. L’article de Connaissance des Arts paru au
moment de
l’exposition en retrace le contenu :
« L’art présent est à Paris, mais aussi
ailleurs :
en Italie, par exemple. C’est ce qu’ont compris les
organisateurs de
l’exposition annuelle dite de l’École de Paris (galerie
Charpentier).
Ils ont ajouté à leurs invités vingt-sept peintres
italiens dont
Peverelli qui est le seul à habiter Paris. Parmi les
autres, Burri,
Dova, Schneider, et Fontana Orazi se sont acquis une
réputation
internationale. » |
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