Georges MÉLIÈS (1861 – 1938) – Illusionniste, pionnier du cinéma

Lettre autographe signée adressée au prestidigitateur Ausgute Drioux, fondateur de la revue de magie Passez MuscadeParis, le 19 août 1929 – 4 pp. in-12 sur papier ligné.

Jolie lettre amicale : nouvelles familiales et professionnelles

« Alea Jacta Est ! (Le sort en est jeté) comme nous disons en anglais, nous autres savants !! (Ceci est une blague que disait Raynaly [le prestidigitateur Édouard Joseph Raynaly (1842-1918), qui faisait partie de la troupe du théâtre Robert-Houdin, sous la direction de Méliès] dans ses séances, lorsqu’il faisait une citation latine). Oui, le sort en est jeté. Nous avons jeté notre dévolu sur la plage bretonne de Ploumanach. »

Il informe son correspondant de son changement d’adresse et poursuit à propos d’un cliché du fils de Robert-Houdin : « […] La photo d’Émile Robert-Houdin est faite, mais a exigé un agrandissement d’abord, puis une retouche, et enfin une réduction, pour la ramener à même grandeur et aussi nette que la photo de Robert Houdin. Cela a pris du temps. Je renverrai cette semaine l’original à Mme Blind [veuve d’Adolphe Blind, plus connu sous le nom de Professeur Magicus, qui avait fondé à Genève le magazine de magie Cagliostro], dont vous m’avez donné l’adresse, avec mes remerciements et une épreuve agrandie. »

Il évoque ensuite le commerce qu’il tient près de la gare Montparnasse avec sa seconde épouse Jehanne d’Alcy, femme mince et de petite taille, qu’il avait initialement engagée pour les trucages et escamotages de ses films : « […] Il est malheureux que notre commerce ne nous permette pas de filer plus tôt mais c’est le moment des grandes ventes, avec les grands départs, et …la Croûte avant tout !
Nous emmenons avec nous ma petite fille, fille de ma fille, qui rentrée chez elle, et en bonne voie de guérison, est cependant encore faible, et ne peut guère la garder avec elle, son mari baryton, étant toujours en cachets, à droite ou à gauche, en province ou aux environs de Paris. De ce fait elle est très souvent seule, obligée de rester allongée, et incapable de s’occuper d’une enfant très gentille, très intelligente, mais aussi très turbulente. Cela nous fera une distraction. Ma fille regrette bien de ne pouvoir venir avec nous, malheureusement, pendant des mois encore, elle a besoin d’aller se faire panser tous les deux jours et voir son médecin, à la clinique d’où elle est sortie.
Je vais pouvoir, suivant mon habitude m’en payer de dessiner dans mes albums. C’est mon grand plaisir à la mer. Dès qu’un coin me plaît, en avant le crayon. Avec ce compagnon, je ne m’embête jamais.
Il me faut du calme pour me refaire de la fatigue et me préparer à continuer cet hiver la campagne de presse qui va s’accentuer de plus en plus. Cette fois c’est la grande bataille ! et j’ai bien espoir que pour le jour de l’an il y aura dans ce sens, de bon travail de fait. C’est égal, ma patience est à une rude épreuve moi qui n’aime pas voir traîner les choses ! Voilà 4 ans que ce combat dure contre ceux qui m’opposent une résistance occulte, tout en me couvrant de louanges.
[…] »

Entre 1928 et 1934, Georges Méliès écrivit une série d’articles pour la revue trimestrielle de magie Passez Muscade, créée par Auguste Drioux (1884-1937) et éditée à Lyon. Ses publications concernaient le Théâtre Robert-Houdin, ses principaux spectacles de magie et les personnalités qui lui étaient liées. Un numéro hors-série de la revue mettant à l’honneur Georges Méliès fut publié cette année-là.

Madeleine Fontaine (1923-2018), la petite-fille de Méliès est alors âgée de 6 ans. Sa mère Georgette, épouse du baryton Armand Fontaine, était tombée malade lors d’une tournée théâtrale en Algérie. À la mort de celle-ci, en 1930, Méliès recueillera sa petite-fille Madeleine.

Le combat auquel Méliès fait référence concerne probablement la protection de ses inventions et ses démêlés avec l’industrie cinématographique. Dans une lettre du 11 juin adressée au même, on peut lire : « […] pour moi les preuves sont abondantes les documents irréfutables aussi donc il doit triompher envers et contre tous les vaniteux qui s’attribuent toute la création de l’industrie du Cinéma […] »

 

Bon état, voir photos.