Une approche esthétique de ces objets que sont les films, ou du moins
certains d'entre eux, pour être forcément sensorielle et
"impressionniste" au départ, peut-elle cependant s'étayer et se
développer, dans le champ de la spéculation intellectuelle ? C'est le
pari qui est pris ici. En marge des recherches historiques, en
opposition aux théories qui "plaquent" sur le cinéma les généralités
abstraites de la sémiologie, ce livre est issu d'une fréquentation
prolongée et variée des films eux-mêmes.
Il emprunte à l'iconologie
dont Panofsky a tracé les grandes lignes, aussi bien qu'à des
disciplines interprétatives comme la psychanalyse. On s'efforce pourtant
de n'y jamais oublier que le film réel, projeté sur l'écran, nous donne
non à lire les "intentions" du cinéaste, mais à voir leur
« réalisation ». Celle-ci, dont le nom prête à tant d'équivoques, n'a de
signifiance que par et dans la mise en scène, modelage transparent de
l'espace, des lumières, des corps, des gestes et des voix.
La notion
d'auteur retrouve une validité. Tel choix semblera arbitraire : mais
n'est-ce pas, en dernière instance, de manière subjective que nous
hantons les salles obscures, expression qui fait de nous des fantômes en
visite chez d'autres fantômes ? Il s'en faut que les images ainsi
ranimées interdisent le commerce des idées. Aucun mysticisme ne gît là :
ainsi que naguère « ombromanie » ou « décalcomanie », Cinémanie doit
s'entendre comme d'un jeu.
Jeu passionné, jeu sérieux : il laisse
percevoir une armature philosophique dont chacun est maître de faire
l'application à son propre plaisir de spectateur.