Le premier volume des oeuvres complètes était intitulé oeuvres de jeunesse mais la jeunesse quand s'achève-t-elle? Certains événements de la vie de Flaubert peuvent servir de bornes si l'on y tient : une crise d'épilepsie en 1844 la découverte de la Tentation de saint Antoine de Bruegel en 1845 en 1846 les morts du père et de la soeur ou la rencontre de Louise Colet. Mais là n'est pas l'essentiel. La jeunesse littéraire s'achève quand disparaît l'allégresse d'écrire. Flaubert entre alors dans la 'grande étude du style'.
Par les champs et par les grèves : 'la première chose que j'aie écrite péniblement'. Suit une parenthèse anxieuse : '(je ne sais où cette difficulté de trouver le mot s'arrêtera)'. Nous savons nous qu'elle ne s'arrêtera pas. Par les champs est un carrefour. La jeunesse y aboutit l'art s'y déclare. Bientôt il faudra faire de chaque phrase une oeuvre en soi. Flaubert racontant ses voyages en Bretagne ou en Orient peut bien lorgner ici ou là du côté de Chateaubriand : sa vision est personnelle. Être un oeil 'regarder sans songer à aucun livre' puis péniblement faire oeuvre s'efforcer de créer une perfection.
Péniblement en effet. Le jeune Flaubert voulait plaire ; les très étonnants scénarios de théâtre recueillis ici sont comme les séquelles d'un vieux désir de gloire ('l'auteur! l'auteur!'). Mais ce désir-là n'a qu'un temps ; lui succède la quête du Beau qui est un combat sans fin. 'L'empoisonnement de la Bovary m'avait fait dégueuler dans mon pot de chambre. L'assaut de Carthage [dans Salammbô] me procure des courbatures dans les bras.' La Tentation de saint Antoine occupe Flaubert pendant près de trente ans. On en trouvera ici les première et deuxième versions qu'on ne lit jamais : la première luxuriante et onirique est mise au placard en 1849 ; la deuxième où l'étrangeté naît de la concision est laissée de côté en 1856 : trop audacieuse en un temps où le procureur impérial incrimine la 'couleur sensuelle' de Madame Bovary.
Faire oeuv...