Mais comment faire pour raconter son expérience de la Résistance sans entrer dans les anecdotes d'une bio ?
Précisément en disant ce que fût cette « expérience » de résistance en réfléchissant à ce qu'on éprouve dans les actions du combat face à la mort au quotidien.
Plusieurs axes ordonnent ce nouveau livre : la mémoire le temps la volonté leur articulation dans l'histoire; le passé et le présent. Et le statut du mort de la dépouille du combattant mort héroïsé ou au contraire défiguré (comme nous l'avons vu ces jours-ci) dégradé par des traitements qui visent à déshumaniser l'autre l'ennemi à lui ôter tout statut d'être humain.
L'un de ces axes traverse l'ensemble des chapitres : comment le fait d'avoir vécu un face à face avec la mort dans La Résistance vous fabrique - la personne (toute l'oeuvre de Vernant le montre) étant toujours le résultat
D'une fabrication. Ainsi quand il analyse les gestes des héros grecs Vernant y lit peut-être aussi « autre chose » qu'un savant qui n'aurait jamais quitté sa bibliothèque - et il n'en a pas manqué entre 1940 et 1945.
Le livre s'ouvre sur un long chapitre qui pose la question suivante : le témoin vivant a-t-il un rôle à jouer dans une enquête menée par des historiens de la deuxième guerre mondiale? On reconnaît ici les problèmes
A la fois théoriques politiques mais aussi d'ordre médiatique soulevés par ce qu'on appelé « L'affaire Aubrac » - sujet de ce premier chapitre. A ce propos Vernant écrit :
« A côté des documents écrits l'enquête dispose quand il s'agit de faits assez récents du témoignage des survivants qui en ont gardé le souvenir. La tâche de l'historien naviguant entre mémoire orale et archives écrites est d'établir en les confrontant à défaut du vrai qu'il n'est pas toujours possible d'atteindre au moins le probable et le vraisemblable. A propos de Vichy et de la Résistance le débat sur ces problèmes entre historiens a pris ces derniers temps un ton très passionné. Quel crédit fallait-il a...