Ernest Chausson (1855-1899)


Lettre autographe de quatre pages, signée, non datée [lundi 26 décembre 1892] adressée à l’éditeur Oscar Bornemann (1848-1911). 

 

« Lundi


Cher Monsieur,


Je reviens d’Angers. L’exécution de Viviane a été très bonne, l’accueil excellent ; je suis très content. Mais quel est donc l’animal qui a copié les parties d’orchestre que vous avez envoyées. C’est bourré de fautes, énormes, d’interprétations fantaisistes et imbéciles. J’ai corrigé tout ce que j’ai pu, pour certaines parties j’ai dû me contenter d’enlever ce qui faisait faux ; il y aurait eu trop à faire pour rendre les parties conformes à la partition ; le temps m’a manqué. Je vous prie instamment, cher monsieur, – et ceci est votre intérêt tout aussi bien que le mien – de ne jamais envoyer de parties d’orchestre sans qu’elles soient corrigées par moi ou par quelqu’un de sûr. Je ne sais le nom du copiste qui vous livré ce travail ; je vous serai bien obligé de ne plus vous en servir pour moi car cette inexactitude est compromettante et me donne beaucoup d’ennuis. Par dessus le marché c’est fort mal écrit.


Bordier m’a dit qu’il ne pourrait refaire jouer Viviane cet hiver ; il vous renverra le matériel ces jours-ci. Vous seriez bien aimable de rendre  immédiatement la partition au graveur. Je passerai chez vous d’ici peu pour que nous voyions ensemble ce qu’il y a à faire dans les parties que je n’ai pu corriger complètement.


Veuillez agréer, je vous prie, cher monsieur, l’assurance de mes meilleurs sentiments.


Ernest Chausson. »


Dans le bas de la lettre, Bornemann a écrit, par erreur : « Écrit à Bordier 5/1/92. » Il voulait écrire 5/1/93.

Tampon à l’encre violette : [reçu le] 27/12/1892.



Jules Bordier, président des Concerts populaires d’Angers, organise le 25 décembre 1892 le 430e (dixième de la saison) des Concerts populaire de sa ville. L’hebdomadaire Angers Artiste, sous la plume de Louis de Romain, en donne le compte rendu le 31 décembre 1892 (voir le programme joint en illustration, ATTENTION, il ne fait pas partie du lot).


La soprano Gherslen, qui interprète l’air d’Andromède de Guillaume Lekeu et Ernest Chausson partage le grand succès de cette manifestation :


« Le Poème Symphonique de M. Chausson, dont l’exécution sous la direction de l’auteur a été tout particulièrement admirable, a obtenu un succès considérable et mérité. 


« La musique de Viviane suit pas à pas la légende et nous laisse sous l’impression d’une pensée mélodique remplie de fraîcheur, d’élévation, de grâce jointe à la constante recherche de l’effet par l’union des voix, la fusion des timbres divers de l’orchestre. Dans ce maniement des sonorités et cette trituration de la pâte instrumentale ; M. Chausson fait preuve d’un art consommé. Sa Viviane est de la première à la dernière note un ravissement pour l’oreille, merveilleuse aussi bien par la finesse des nuances que par la variété des détails. Il est impossible de mieux dépeindre avec des sons, de mieux évoquer le souvenir d’une action se passant dans le domaine de l’imagination, du rêve et de la poésie. »


Très belle et longue lettre. Belle signature. Fort rare.