Librairie Professionnelle « ChezMonsieurLouis »
= Numéro Siret : 9837111100012
.... Lot de 60 numéros du journal ....
Revue d'humour satirique
Caricatures, Dessins
" L'ASSIETTE au BEURRE "
Caractéristiques :
- n° 7 (18 mai 1901)
- n° 13 (27 juin 1901)
- n° 27 (3 octobre 1901)
- n° 28 (12 octobre 1901)
- n° 31 (2 novembre 1901)
- n° 32 (9 novembre 1901)
- n° 33 (16 novembre 1901)
- n° 35 (30 novembre 1901)
- n° 38 (21 décembre 1901)
- n° 39 (28 décembre 1901)
- n° 40 (4 janvier 1902)
- n° 42 (18 janvier 1902)
- n° 50 (15 mars 1902)
- n° 55 (19 avril 1902)
- n° 58 (10 mai 1902)
- n° 62 (7 juin 1902)
- n° 67 (12 juillet 1902)
- n° 73 (23 aout 1902)
- n° 77 (20 septembre 1902)
- n° 82 (25 octobre 1902)
- n° 83 (1 novembre 1902)
- n° 84 (8 novembre 1902)
- n° 92 (3 janvier 1903)
- n° 95 (24 janvier 1903)
- n° 98 (14 février 1903)
- n° 106 (12 avril 1903)
- n° 109 (2 mai 1903)
- n° 110 (9 mai 1903)
- n° 112 (23 mai 1903)
- n° 116 (20 juin 1903)
- n° 121 (25 juillet 1903)
- n° 122 (1 aout 1903)
- n° 123 (8 aout 1903)
- n° 132 (10 octobre 1903)
- n° 134 (24 octobre 1903)
- n° 136 (7 novembre 1903)
- n° 138 (21 novembre 1903)
- n° 139 (28 novembre 1903)
- n° 142 (19 décembre 1903)
- n° 143 (26 décembre 1903)
- n° 145 (9 janvier 1904)
- n° 147 (23 janvier 1904)
- n° 149 (6 février 1904)
- n° 157 (2 avril 1904)
- n° 159 (16 avril 1904)
- n° 174 (30 juillet 1904)
- n° 180 (10 septembre 1904)
- n° 181 (17 septembre 1904)
- n° 222 (1 juillet 1905)
- n° 234 (23 septembre 1905)
- n° 235 (30 septembre 1905)
- n° 255 (17 février 1906)
- n° 259 (17 mars 1906)
- n° 266 (mai 1906)
- n° 268 (19 mai 1906)
- n° 270 (2 juin 1906)
- n° 292 (3 novembre 1906)
- n° 293 (10 novembre 1906)
- n°294 (17 novembre 1906)
- n° 304 (26 janvier 1907)
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Etat général / Format :
- 50 % des numéros sont protégés sous pochette plastifiée,
- 33 % des numéros sont en très bon état (sans trace, sans usures)
- 33% des numéros sont en bon état (quelques traces de rousseurs sans incidence à l'intérieur)
- 33% des numéros ont des usures (charnières plus ou moins fendues)
- Format : 31 x 24 cm
- Poids total : 5,5 kg
Vous pourrez retrouver dans mes ventes d'autres ouvrages sur le même thème :
L’Assiette au beurre, l’Eclipse, Le Rire, la Caricature,
le Canard enchainé, Les Hommes du jour, L’Humour contemporain, le Charivari, la
comédie parisienne, Job, Robida, Léandre, … humour, satire, journaux anciens,
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A1.G9/EBA
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L’Assiette au beurre :
Magazine satirique illustré français ayant paru de 1901 à 1936. La publication est hebdomadaire et continue jusqu'en 1912. Après une interruption, une deuxième série est publiée mensuellement
de 1921 à 1925, puis décline et disparaît
définitivement en 1936.
Dans sa première période, L'Assiette au beurre est une
revue innovatrice sur le plan graphique, notamment par le choix d'illustrations
en pleine page et la dévolution de numéros entiers à un thème unique, voire à
l’œuvre d'un seul artiste.
Elle rassemble certains des meilleurs illustrateurs européens à une époque
où, par conviction politique, des artistes délaissent l’œuvre unique pour se
tourner vers l'imprimé. Tirant parti de la carte blanche qui leur est laissée,
ces artistes y critiquent avec une grande liberté de ton le militarisme, le
colonialisme, le cléricalisme, le féminisme et les conditions de travail.
Proche, à ses débuts, de la sensibilité anarchiste, L'Assiette au beurre n'est cependant pas une revue militante, même si, entre 1905 et 1911, elle s'engage nettement sur le plan
politique, notamment contre le colonialisme.
Ayant publié près de 10 000 dessins produits par environ
200 dessinateurs, elle constitue un précieux témoignage iconographique sur la Belle Époque.
Description
Dans un texte à valeur « programmatique » publié dans
le septième numéro du 16 mai 1901, Samuel Schwarz précise ainsi ce qu'il estime être l'avantage
compétitif de son périodique :
« Au lieu de suivre l'exemple de certains
journaux et de nous contenter de varier la couleur de notre couverture, nous
a[v]ons résolument pris le parti de paraître dans l'ensemble sur papier de
couleur qui variera suivant les numéros [...] Nous désirons, qu’au bout de
l’année, la collection de L’Assiette au beurre constitue une véritable histoire
artistique de tous les progrès réalisés, tant par l’art de l’imprimeur que par
celui du graveur et du papetier. Est-il besoin d’ajouter que L’Assiette au
beurre dépassant le point de vue même de l’art se consacrera à la défense
sociale ? Nous sommes, en effet, arrivés à ce tournant de l’histoire où il
est du devoir d’aborder de front, particulièrement dans un journal qui
s’adresse aux penseurs et aux artistes, la question sociale sous ses aspects
les plus divers. »
La maquette traduit ce projet. Elle distingue la revue des « feuilles
humoristiques » comme Le Rire ou Le Sourire,
dont Christian Delporte souligne la profusion à l'époque en France3 et même, dans un registre plus proche, du Cri de Paris : chaque numéro est édité en format album et
comprend principalement — voire parfois exclusivement — des dessins et caricatures en bi- ou trichromie et en pleine (ou double) page (au lieu de quarts de page plus
courants), avec un minimum de 16 pages illustrées. Régulièrement, la
réalisation d'un numéro sur un thème précis est confiée à un seul artiste, ce
qui fait de cette livraison un véritable album. Des numéros spéciaux peuvent
contenir jusqu'à 48 pages. Les images sont obtenues à partir de dessins
originaux qui sont ensuite gravés suivant le procédé de la zincographie.
L'Assiette au beurre se
caractérise ainsi par la « recherche d’une certaine qualité visuelle
mettant en valeur un contenu essentiellement politique », grâce au recours
aux « meilleurs dessinateurs de la Belle Époque ». En témoignent
le slogan de la revue, « la plus artistique des revues
politiques » ou cette publicité insérée dans un numéro de
1904 : « Pourquoi L’Assiette au beurre passe pour être le
premier satirique du monde. Parce que L’Assiette au beurre a compris qu’on
pouvait fort bien allier l’ART avec la SATIRE, sans faire avaler au public les
images épinalesques ou les caricatures informes des journaux à gros
tirage ». Anne-Marie Bouchard souligne à cet égard la capacité de la revue
à rémunérer les dessinateurs, une pratique alors rare dans le milieu de la
presse politiqueN 1, qui permet à l'éditeur de « fédérer un ensemble d’individus, et
ce en dépit de l’absence d’orientation éditoriale expressément affichée au-delà
d’une volonté de « défense sociale »1 ». La rémunération des contributions suit un barème complexe, qui tient
compte aussi bien de la notoriété de l'artiste que de la nature de la
contribution, selon la taille de l'illustration et l'existence de prestations
annexes, telle la composition typographique ou les légendes, et varie ainsi de
200 à 2 000 francs. Les artistes n'en considèrent pas pour autant
leurs contributions comme correctement rémunérées. Ce regroupement se fait sur
la base de ce que Serge Fauchereau décrit comme un programme minimum, le
mécontentement de l'état de la société et la critique des responsables
présumés, en particulier « ces trois parasites, le prêtre, le juge,
le soldat », qui fédère des artistes que l'affaire Dreyfus avait opposés, tels les dreyfusards Hermann-Paul et Ibels et les anti-dreyfusards Forain et Caran d'Ache. Il rassemble des artistes qui « pour la plus grande
partie » sont nés entre 1874 et 1879, tels Camara, Cappiello, Carlègle, Delannoy, Florès, Galanis, Grandjouan, Naudin ou Poulbot, à côté de
quelques « maîtres » comme Forain, Willette, Caran d'Ache et Steinlen, nés dans les années 1850, ou Vallotton et Jossot, nés durant la décennie suivante, et de nouveaux
venus, des peintres « qui pratiquent le dessin satirique autant par
conviction que par nécessité financière », tels Jacques Villon, Van Dongen, Soffici et Kupka Ce n'est cependant que dans les dernières années
de la revue qu'ils seront rejoints par de plus jeunes gens, tels Marcoussis, Valensi ou Gris. Certains des dessinateurs de L'Assiette au beurre lui
donnent l'essentiel de leur production dessinée, tels Grandjouan ou d'Ostoya, aucun d'entre eux n'en est un collaborateur exclusif. Quelques-uns parmi
eux publient des dessins dans des journaux comiques, tels Jacques Villon, Roubille, Van Dongen, Marcoussis ou Juan Gris, tandis que d'autres artistes, tels
Delannoy, Hermann-Paul, Grandjouan ou Jossot sont plus sensibles à la qualité
du message et collaborent à des publications anarchistes ou anarchisantes0.
Patricia Leighten note que L'Assiette au beurre est
également un périodique « ouvertement propagandiste »,
s'adressant à la classe ouvrière et exprimant une sensibilité anarchiste dans
le traitement des événements, à travers des thèmes principaux qui sont l'opposition
au gouvernement, l'anticléricalisme, l'antimilitarisme, l'anticolonialisme et la critique de la police et des tribunaux.
Pour cette historienne, Schwarz et plus tard Joncières « ont de
nombreux amis dans les cercles anarchistes et sans aucun doute leurs propres
positions politiques, mais le point de vue exprimé par les caricatures
[de L'Assiette] n'est ni toujours le même, ni dirigé [...] Les deux
éditeurs ont considéré leur publication comme une entreprise destinée à faire
du profit, pas comme le véhicule de leurs propres idées (qu'elles aient été
définies ou non) et certainement pas comme un
journal « militant » ».
Selon Élisabeth et Michel Dixmier, il ne faut pas oublier
que « L’Assiette au beurre était une affaire financière qui devait
être rentable. Elle a toujours appartenu à des groupes de presse qui par
ailleurs éditaient toutes sortes de journaux, revues, livres qui n’avaient
aucun caractère politique ». Selon eux, si la revue a
parfois « été amenée à prendre des positions voisines de l'extrême
gauche, […] cela tient davantage à la liberté d'expression laissée à quelques
dessinateurs engagés qu'à la poursuite d'une ligne politique précise ».
Ils relèvent que Léon Bloy et André Salmon considéraient Schwarz comme un « industriel », André
Salmon le qualifiant même de « marchand de papier qui eût vendu
n'importe lequel », et, concernant Joncières, se limitent à rapporter que
si, selon la fille de ce dernier, il « avait, depuis sa jeunesse,
gardé un certain idéal de fraternité humaine, de justice », que
son « milieu familial [était] attaché à des valeurs traditionnelles
tant dans le domaine de l'art que dans celui de la politique ».
Selon André Laingui, « compte tenu de la personnalité des deux
propriétaires successifs, il faut écarter l'idée que L'Assiette au
beurre est un brûlot anarchiste. Et il ne serait sans doute pas
inexact de penser que L'Assiette au beurre a défendu par
hasard des idées socialistes [...] parce que ces idées étaient alors en faveur
et que les meilleurs dessinateurs du temps — sauf Forain et Caran d'Ache — professaient de telles idées ».
En résumé, estime Anne-Marie Bouchard, « L'Assiette au beurre est
libertaire dans les cadres financiers et politiques qu'implique la constitution
d'une entreprise capitaliste viable ». Par conséquent, estime-t-elle, ces
postulats « tendaient à éloigner esthétiquement la revue des
publications de tendance anarchiste, tout en partageant néanmoins avec elles
certains de ses illustrateurs » et considère comme
significative « l'absence de texte détaillant les objectifs et les
principes de la revue célébrée par les éditeurs comme un choix en faveur de la
qualité esthétique de la satire ». Ce « manque de direction
éditoriale explicite » est, pour Anne-Marie Bouchard,
caractéristique « des médias capitalistes, dans lesquels les cadres
éditoriaux ne se fondent plus sur la singularité d'une position ou d'une
opposition politique, mais sur un statut économique, dont l'originalité se
cristallise dans la loi de l'offre et de la demande ». Elle souligne à cet
égard que Jossot est « renvoyé » en 1904 après que plusieurs
numéros qu'il avait conçus aient été particulièrement mal reçus et juge que « l'image dans L'Assiette au beurre est
au centre d'une transformation du monde des médias par le biais de laquelle les
structures d'édition capitaliste assurent le développement d'un fétichisme de
l'image reproduite dans la revue devenue objet de collection ».
Histoire
La création de L'Assiette
au beurre
Le titre
Vidocq donne en 1837 le terme « beurre »
comme désignant en argot l'argent monnayé. Durant la
première moitié du xixe siècle, cet emploi coexiste avec celui de « graisse » et
d'« huile » pour le même usage, Alfred Delvau notant à propos de la mise en équivalence de
l'argent et du gras que le peuple « sait que c'est avec cela qu'on
enduit les consciences pour les empêcher de crier lorsqu'elles tournent sur leurs
gonds ». Ces termes d'argot sont toutefois vieillis à la fin du xixe siècle, Lucien Rigaud estimant en 1888 qu'ils « ne sont plus employés
que par quelques vieux débris des anciens bagnes ». Quant à
« l'assiette au beurre », Pierre Dupré fait remonter
l'expression « probablement au premier quart du xixe siècle ». Il note que dès 1831 une lithographie de Charlet a pour légende : « C'est toujours
les mêmes qui tient l'assiette au beure » et signale également
qu'en 1871, Jules Perrin chante aux Ambassadeurs une chanson de Paul Burani sur une musique de Charles Pourny, dont le refrain
est : « C'est pas toujours les mêmes / Qu'auront l'assiette au
beurr'/Et allons y tout d'même/Au p'tit bonheur ». Pour Lucien Rigaud, en
1888, l'expression « avoir l'assiette au beurre »
signifie « être un des heureux de ce monde [...], [avoir] toutes les
jouissances que procure la fortune et celles que procure une haute
situation ». Selon Georges Delesalle en 1896, « avoir l'assiette au
beurre », c'est « être dans l'aisance, avoir sa grande part de
chance », tandis que l'« accaparer »
signifie « prendre tout pour soi ». Pour Charles Virmaître, en 1900, « avoir l'assiette au beurre »,
c'est « être au pouvoir, dans les honneurs, s'engraisser, s'arrondir
la panse et s'enfler les poches », étant observé, précise cet auteur, que
la chanson de Burani « n'a pas été prophète car, depuis vingt cinq
ans que cette expression a cours, c'est toujours les mêmes qui ont la
fameuse assiette, même la soupière ». Selon Reto Monico,
l'expression désigne une « place lucrative »,
un « ensemble de privilèges des personnes au pouvoir » ou
encore une « source de profit plus ou moins licite ». Elle est
particulièrement employée pour désigner « le profit jugé indu,
excessif » de politiciens accaparant le pouvoir, en dénotant souvent l'antiparlementarisme , dans le contexte de la Troisième
République où les métaphores culinaires appliquées à la politique sont courantes. Ces aspects sont
déclinés dans la revue-spectacle L'Assiette au beurre, un
« quadrille naturaliste » lié aux Arts Incohérents et présenté en décembre 1885 sur la
scène du théâtre Beaumarchais, dont le programme est illustré, dans un esprit
typiquement montmartrois, par Choubrac et Adolphe Willette. En 1893, Alphonse Allais, membre de « la joyeuse bande du Chat noir », comme Willette, Steinlen, Forain et Caran d'Ache, prête au Captain Cap le
programme électoral suivant : « Loin d’être l’apanage de
certains, l’assiette au beurre doit devenir le domaine de tous ». Seize
ans plus tard, Willette reprendra la même revendication humoristique en
réclamant, en page deux du premier numéro de L'Assiette au beurre, « l'assiette
au beurre pour tous ».
Samuel-Sigismond Schwarz
Samuel-Sigismond
Schwarz, directeur et fondateur de la
revue, est un immigré hongrois naturalisé français. Il arrive à Paris en 1878 et devient courtier en
librairie. Il est, dès 1895, installé au 9 rue Sainte-Anne à Paris en tant qu'éditeur de romans paraissant
en feuilletons. Il se spécialise dans la vente par abonnement des œuvres
de Victor Hugo, pour laquelle il jouit d'un quasi-monopole, ainsi que dans la vente par
livraison de romans populaires, toutes activités qui lui procurent de
confortables revenus. L'engouement pour ce genre d'ouvrages déclinant, il
s'oriente vers l'édition de journaux hebdomadaires illustrés et lance, avec des
succès divers, sept à huit titres, dont les titres reflètent l'attente supposée
du lectorat, parmi lesquels Le Frou-frou (où Picasso livre des croquis), Le Tutu, Le
Pompon, des magazines assez légers, voire grivois et parfois antidreyfusards ainsi que L'Art décoratif.
À l'époque du lancement de L'Assiette au beurre, Schwarz est donc
un éditeur spécialisé dans des périodiques illustrés légers ou utilitaires,
manifestant peu d'ambition intellectuelle. En lançant « un journal
hebdomadaire satirique illustré en couleur qui parlera sous une forme très
mordante, très cinglante, des problèmes de la vie sociale actuelle, » il
cherche avant tout à compléter son portefeuille de périodiques.
Le premier numéro de L'Assiette
au beurre, sous-titrée « satirique, humoristique, hebdomadaire »,
parait, sans thème précis, le jeudi 4 avril 1901 au prix de
25 centimes. La couverture est illustrée par Steinlen. Titrée « Caisse de grève », elle fait sans
doute allusion aux mouvements ouvriers de Montceau-les-Mines et à Pierre Waldeck-Rousseau, entre autres ministre de l'Intérieur. Willette signe ensuite une lettre illustrée qui joue sur
l'expression « l'assiette au beurre ». S'adressant à Schwarz,
Willette écrit sur deux pages et sous une forme manuscrite entrecoupée de
vignettes illustrant l'histoire de l'assiette au beurre censée représenter la
richesse des nations7 : « L'assiette au beurre pour tous ! Voilà bien une
géniale, une généreuse idée, et l'insigne du Mérite agricole ne serait pas
déplacé sur votre vaste poitrine ! [...] « L'assiette au
beurre » pour un journal, n'est pas un titre ordinaire et me paraît aussi
difficile à justifier que mettre du beurre en broche. »
Un dessin de Jean Veber occupe ensuite une double page, suivie par des créations de Charles Léandre, Jossot, Steinlein, Jacques Villon, Charles Huard, Hermann Vogel, Jeanniot, Ibels, Kupka, Roubille, et Hermann-Paul en 4e de couverture. Peu de
textes donc et aucun programme anarchiste, ce qui fait dire à Anne-Marie
Bouchard qu'il « apparaît que le quasi-monopole de l’image dans L’Assiette
au beurre constitue une pratique de presse visant à dépolitiser les
images en dehors de tout discours » et la conduit à estimer que cette
identité éditoriale « témoign[e] de la perte d’influence de la presse
anarchiste dans la vie politique française au début du xxe siècle ». En revanche, le ton est férocement satirique et irrespectueux des
institutions et des nantis ; cette tendance ira croissant.
Il est à noter qu'à ses débuts, L'Assiette au beurre ne
contient aucun encart publicitaire mais seulement un tiré à part de 4 pages
inséré dans l'album, mettant en valeur les productions périodiques et
« littéraires » de Schwarz, notamment celles de La
Bibliothèque générale qui lui appartenait également. Ici, avec ses
quatre périodiques, Schwarz revendique « le plus gros tirage de la presse
satirique et humoristique ».
Développements
Dès ses premiers numéros, L'Assiette au beurre se
caractérise par « une présentation très novatrice, au format
25 × 32 cm, sur seize pages en général, avec des dessins
majoritairement en pleine page et, pour environ la moitié d'entre eux, imprimés
en couleurs », la plupart des autres publications se contentant de
mélanger vignettes, demi-pages et peu de pleines pages. Durant les deux
premières années de parution, la pagination fluctue autour de 16 pages et le
prix augmente de 25 à 40 centimes4. Chaque numéro est ainsi composé d'environ 16 dessins, généralement à
pleine page, et pour une bonne moitié en couleurs, le plus souvent accompagnés
d'un texte bref. Le type et la couleur du papier sont également fluctuants et
différentes solutions sont expérimentées.
À partir du no 4, la composition du titre sur la
couverture évolue en fonction de l'actualité. Ces variations typographiques
sont assez inhabituelles dans l'univers de la presse de cette époque, bien que
précédemment, Cocorico ait ouvert la voie, un dessinateur s'y voyant
confier la possibilité de détourner la charte graphique.
Avec le no 14, apparaît une
autre « caractéristique véritablement distinctive4 » de la publication, la dévolution d'un numéro entier à un thème
unique, en l'occurrence « La guerre », illustrée par 14 lithographies
signées d'Hermann-Paul. Un premier numéro triple et hors-série, vendu 1 franc, sort
en février 1902 et porte sur les « empoisonneurs
patentés », avec une couverture signée Camara fustigeant le lait frelaté et l'alimentation
industrielle. En décembre 1903, le journal commence à imprimer une
« fausse » couverture sans images, permettant de se prémunir contre
la censure, et du même coup, de proposer des annonces publicitaires au verso.
L'un des numéros les plus surprenants sur le plan artistique est celui
intitulé « Crimes et châtiments » publié le 1er mars
1902 et confié à Félix Vallotton. Il est composé de 23 lithographies détachables en suivant des perforations pointillées. Ces pages,
imprimées uniquement sur une face, constituent un véritable album d'estampes
sur le thème de la dénonciation des violences de l'ordre sécuritaire64. Le prix de ce numéro exceptionnel est fixé à 50 centimes mais
l'expérience ne sera que très peu renouvelée Le même mois de mars
1902, un numéro de 24 pages, non lithographié, est également mis en vente au
prix majoré de 30 à 50 centimes.
Vers le milieu de la troisième année de parution, la maquette se stabilise et
du no 125 (22 août 1903) à l'automne 1912, seuls trois
numéros dépassent 16 pages, le prix passant de 40 à 50 centimes au cours
de l'année 1904.
Le niveau des ventes des premiers numéros, distribués par les Messageries Hachette dans toute la France et souvent mis en avant par
les kiosques parisiens, se situe entre 25 000 et 40 000 exemplaires.
Le succès dépasse d'ailleurs les frontières. L'éditeur Schwarz se montre donc
satisfait, son titre est rentable. En 1901, il enregistre même des ventes
approchant les 250 000 exemplaires pour le numéro où figure la caricature
censurée de Veber sur l'impudique Albion. Le lancement successif de
plusieurs nouveaux titres met toutefois Schwarz dans une situation financière
délicate. En mars 1902, il est placé en liquidation judiciaire. Le rapport
du liquidateur, rendu en mai, montre que le passif est sensiblement supérieur à
l'actif, une situation que Schwarz lui-même explique par « la
création et le lancement de divers journaux et la mévente produite par suite de
la création de journaux similaires ». Le rapport du liquidateur montrant que
l'activité courante est rentable, les créanciers de Schwarz acceptent
en septembre 1902 de créer la Société anonyme des journaux illustrés
réunis, destinée à lui racheter ses actifs tout en lui laissant la direction.
Le concordat est cependant refusé par le tribunal de commerce, qui met Schwarz
en faillite en 1903. Ses actifs sont mis aux enchères et L'Assiette au
beurre et Frou-frou achetés à bas prix par la Société
anonyme des journaux illustrés réunis, qui compte désormais l'épouse de Schwarz
parmi ses actionnaires, mais dont il quitte la direction.
Fin 1904, les deux titres sont cédés par cette dernière société à André de Joncières, héritier d'une importante fortune grâce à son
mariage avec la fille d'un des principaux actionnaires de la Compagnie des compteurs à gaz. Ces péripéties juridiques ne sont toutefois pas
annoncées aux lecteurs et ne se traduisent que par des modifications
administratives sans incidence sur le contenu éditorial. Joncières conservera
la propriété de la revue jusqu'en octobre 1912. Moins impliqué que Schwarz
dans la conception des numéros, il la délègue à un rédacteur en chef, Paul
Perrin. la Nonobstant, selon sa fille, « un certain idéal de
fraternité humaine, de justice humaine », Joncières est, tout comme
Schwarz, un entrepreneur de presse et éditeur de romans populaires, et non un
militant. Dans une lettre non datée à Francis Jourdain, Jules Grandjouan lui écrit que « L'Assiette fut
acheté par un jeune fêtard désœuvré, riche, il était le gendre de l'inventeur
du compteur à gaz ».
L'orientation de la nouvelle direction est précisée en décembre 1904 dans
une annonce au lecteur pour justifier l'augmentation à 50 centimes du prix au
numéro. Ce « léger sacrifice » demandé l'engage à produire
une « Assiette au beurre très améliorée sous tous les
rapports : collaboration des artistes les plus éminents et des maîtres de
la satire ; tirage irréprochable sur un papier de luxe assurant la
conservation parfaite de nos collections ; souci de plus en plus grand de
l'actualité. » Joncières fait appel à un certain Paul Perrin, homme
de lettres, pour le seconder. Il écrit également quelques articles et,
en septembre 1908, témoigne en tant que « rédacteur en chef »
lors du procès intenté contre le dessinateur Aristide Delannoy.
Entre 1907 et 1912, Joncières ouvre sensiblement son magazine au lectorat
étranger, via l'Internationale ouvrière et la CGT, les différents partis socialistes
européens, proposant des numéros franco-allemands, franco-italiens ou franco-anglais,
avec des légendes bi- voire quadrilingues, tel le no 324
du 15 juin 1907, titré « Europa, numéro illustré international War
Guerre Krieg Guerra », auquel participent notamment Walter Crane et Alfred Kubin. De même, le 2 septembre 1911, le no 544 est
consacré à la grève dans les chemins de fer anglais .
Le déclin et une résurrection ratée
L'Assiette au beurre est un
périodique exigeant d'un point de vue artistique, et son prix de revient est, dès le départ, sensiblement élevé. Dans les
années 1910-1911, il accuse une baisse de qualité technique et artistique due à
des ennuis financiers. Joncières consacre une partie de sa fortune à
subventionner le journal pour maintenir le prix de vente à 50 centimes.
En 1911, Paul Perrin est remercié. Le magazine déménage rue du Rocher en des locaux plus petits et Joncières lance un appel de fonds
discret à ses lecteurs via Le Frou-frou. Il y a moins de dessins et de couleurs. Les textes
sont essentiellement rédigés par Henri Guilbeaux, qui a quitté Les Hommes du jour pour diriger L'Assiette, par Raoul
Pélissier et un certain « Ludger » (pseudonyme de Joncières).
Guilbeaux n'a pas la partie facile : il renonce au projet d'album de
dessins signé Frans Masereel. En juillet 1912, la périodicité change, et
devient bimensuelle, économies obligent. Le 15 octobre 1912 paraît le dernier numéro
de L'Assiette au beurre (594), un mois s'est même écoulé
depuis le 592. La première série compte 593 numéros sans compter les numéros
hors-série, les numéros bis et les albums spéciaux, soit 600
livraisons en tout.
Joncières meurt en août 1920. Georges-Anquetil relance L'Assiette au beurre le 20
novembre 1921 dans une édition mensuelle avec une nouvelle numérotation.
D'octobre 1925 à janvier 1927, Le Merle blanc, fondé par Eugène Merle, en fait son supplément littéraire.
Une troisième série commence en avril 1934, au moment de l'affaire Stavisky, sur grand format. Le troisième numéro, en mai, est
sous-titré « satirique, illustré, pamphlétaire », jusqu'au douzième,
sorti en avril 1936. On note la participation de dessinateurs comme
Bogislas ou Étienne Le Rallic.
En 1943, un numéro destiné à la propagande antisémite et antibritannique
est publié. Il détourne le no 119, « Vive
l'Angleterre », en reprenant ses dessins mais en modifiant les légendes.
Contributeurs
du journal
L'Assiette au beurre est essentiellement un périodique
d'illustrateurs : plus de 9 600 dessins ont été
répertoriés exécutés par 216 artistes. Camara, Delannoy, Ricardo Florès, Galanis, Grandjouan, Hermann-Paul, Jossot, Georges d'Ostoya, Maurice Radiguet sont les plus prolifiques.
Selon Michel et Élisabeth Dixmier, s'il existe une nette différence entre
les dessins de presse des années 1900 et ceux de la période 1870-1880, due notamment à
l'influence du « trait japonais » et à l'évolution des
techniques de reproduction, le style des illustrations de L'Assiette au
beurre ne se distingue pas notablement de celles d'autres publications
comparables, telles Le Rire ou Le Sourire, les
auteurs y étant souvent les mêmes. C'est une revue d'art social et non d'art
moderne, avec pour conséquence que les œuvres produites, investies d'une portée
sociale, suivent des codes esthétiques correspondant à leur fonction et restent
lisibles, compréhensibles et efficaces. Michel et Élisabeth Dixmier estiment
qu'au total, le style des dessins reste à l'écart des mouvements picturaux
novateurs, même si certains y ont contribué. Jacques Villon estime toutefois que « dans cette
période, l'influence des journaux sur les arts fut considérable. Grâce à eux,
la peinture se libéra plus rapidement de l'académisme; et Patricia Leighten,
s'appuyant notamment sur ce propos, écrit que L'Assiette au beurre a
été un lieu d'expérimentation visuelle influant en retour sur le travail
pictural des peintres engagés socialement qui y ont participé. »
Comme le rappelle Kevin Robbins, « les plus grands et plus
inventifs illustrateurs de presse de l'époque, tels le Tchèque František Kupka, l'Allemand Hermann Vogel, le
Grec Démétrios Galanis, le Polonais Louis Marcoussis (Ludwig Casimir Markus), le Portugais Thomas Leal da Camara, l'Espagnol Juan Gris et le Suisse Félix Vallotton », ont apporté leur contribution à L'Assiette
au beurre.
Plus de deux cents dessinateurs ont participé à L'Assiette au beurre, dont
un tiers d'Européens venus se former à Paris ou exilés pour des raisons
politiques, et cent trente d'entre eux ont réalisé au moins un numéro complet.
La liste ci-dessous énumère les illustrateurs les plus notables de la revue
jusqu'en 1912.