Historique :

Le droit coutumier normand est apparu en Normandie au début du xe siècle à partir d’admixtion de principes juridiques scandinaves sur le droit franc en usage dans l’ancienne Neustrie, dont une partie avait été confiée à l'administration du jarl Rollon. La fixation de ces pratiques au cours du règne de Guillaume le Conquérant a abouti, au milieu du xiiie siècle à un système unifié enregistré dans deux coutumiers, le Très ancien coutumier (1200-1245) et la Summa de legibus Normanniae in curia laicali (1235-1258), puis de divers arrêts de l'échiquier connus sous le nom d'Arresta communia de Scacario. Ces premiers textes sont suivis du Grand coutumier de Normandie (1270-1300), qui est l'objet de la Coutume réformée (1583) et de travaux de nombreux commentateurs dés le 16e siècle1. On note une double influence du droit romain et du droit canonique2.

Les principales dispositions de la coutume de Normandie ont été en vigueur dans leur état médiéval en France jusqu’à la Révolution. Elle fut toutefois aménagée au cours du temps par des arrêts du parlement de Normandie ou des décisions royales du grand conseil formant jurisprudence3. Une importante réforme fut adoptée au cours du xvie siècle et synthétisée dans les ouvrages publiés au xviie siècle par l’avocat Basnage de Franquesnay.

Traits originaux du droit normand

Les traits marquants qui distinguent le droit normand est l’absence, sur le plan légal, de distinctions sociales entre les Normands qui sont égaux devant la loi.

Le système de succession excluait les filles en raison de leur impossibilité de transmettre les biens dans la famille et accorde une place privilégiée à l’aîné qui était seul héritier - cette disposition n'est plus en vigueur que dans l'île de Sercq, au bailliage de Guernesey. Dérivant peut-être de la coutume scandinave : « Quand un fils leur naît, le père se dirige vers le nouveau-né, l’épée à la main et, la jetant à terre, il lui dit : Je ne te léguerai aucun bien : tu n’auras que ce que tu peux te procurer avec cette arme », cette disposition a donné lieu à l’expression « cadet de Normandie » pour désigner une personne peu fortunée.

De même, le système matrimonial reposait sur la séparation de biens entre époux, le mari devenant propriétaire de tous les biens acquis durant l’union, mais toutefois obligé de constituer un douaire sur le tiers de ses biens en cas de veuvage de son épouse, ce tiers ne pouvant entrer dans la succession du mari qu'à la mort de sa femme.

Une disposition intéressante de la coutume de Normandie réside également dans la clameur de haro qui est une plainte verbale en public de celui à qui on fait quelque violence ou injustice et qui vaut assignation en justice.

Aujourd'hui

La législation anglaise a conservé de larges portions du droit normand, y compris dans les procédés, les formules et le langage. Le droit anglais reste lui aussi imprégné de droit normand.

Aujourd’hui encore, la coutume de Normandie inspire la législation des parties de la Normandie dépendant de la couronne britannique, notamment la clameur de haro qui reste en vigueur à SercqJersey et Guernesey, ainsi que la plupart des dispositions sur la succession et les fiefs. Les juristes se destinant à la profession d’avocat ou d’avocat-conseil à Guernesey doivent suivre un cycle d’étude de six mois en droit normand à l’université de Caen-Normandie et obtenir un Certificat d’études juridiques françaises et normandes avant de pouvoir s’inscrire au barreau de Guernesey, dont dépendent les îles d'Aurigny, Sercq et Guernesey4.

Perdure aussi la coutume du retrait lignager, qui donne la possibilité à un enfant de contester la vente d'un bien réalisée par ses parents. Cette coutume a été abolie à Jersey au xixe siècle, puis à Guernesey en 2012. Elle s'applique encore à Sercq.