ZOLA, Emile (1840-1902)


Lettre autographe signée « Emile Zola » à un confrère
Paris, 12 novembre [18]93, 1 p. 1/2 in-8
Traces de pliures d’époque, quelques toutes petites taches


Magnifique lettre, presque entièrement inédite, écrite à la clôture de la saga des Rougon-Macquart – Zola y explique avec pertinence et sensibilité ne plus posséder ses livres une fois parus et évoque par une superbe métaphore ce qu’ils représentent des années après – Cette lettre engage son lecteur vers une réflexion plus générale sur le rapport de l’auteur à son œuvre



« Mon cher confrère,
Je ne préfère aucune de mes œuvres. Dans chacune, j’aime mieux certaines pages, celles où j’ai dit nettement ce que je voulais dire : voilà tout.
Lorsque j’ai terminé un livre et que je l’ai donné au public, il n’existe plus pour moi. Toute ma passion tombe, et j’en commence un autre, pour lequel je me passionne, jusqu’à ce qu’il soit aux autres. Il faut que je fasse un effort, lorsque je veux me souvenir des romans, hélas ! trop nombreux que j’ai écrits. Ce sont comme des tombes de parents et d’amis, autrefois bien chers, sur lesquelles il me serait trop triste d’aller m’attendrir.
Cordialement à vous.
Emile Zola »



La saga des Rougon-Macquart arrive à son terme avec la publication, chez Charpentier, du Docteur Pascal, au printemps 1893. Déjà très populaires à l’époque de leur parution, la plupart des romans de la saga entrent dans la légende. Parmi les plus célèbres, on compte Germinal, Nana ou encore L’Assommoir. Au total, vingt romans sont écrits et publiés entre 1870 et 1893.

Zola répond ici vraisemblablement à un confrère journaliste désirant faire un article sur l’ensemble de la saga et ce qu’elle représente aux yeux du romancier.


Un résumé de la lettre et la citation d’une phrase sont publiés dans le tome VIII de la correspondance, à partir d’un extrait de catalogue :
« Ce sont comme des tombes de parents et d’amis
[…] ». Cette comparaison illustre fort bien la tristesse qui émane de l’émouvant propos et ce que représentent les œuvres de Zola pour Zola lui-même. Personnification des livres ou métonymie désignant les personnages à qui l’auteur a donné vie, les « tombes » font bien sûr référence à la mort. Et si quand on perd un parent, un ami, on perd une partie de soi, alors perdre les parents et amis de vingt romans… qu’est-ce perdre ?


Références :
Extr., cat. libr. Charavay, n° 6599
Corr. t. VIII (Presses de l’Université de Montréal / Editions du CNRS, 1991)