[POUGY] GHIKA, George (1884-1945)
Lettre autographe signée « Georges Ghika » à
Liane de Pougy, princesse Ghika
Le Clos-Marie, Roscoff, 2 juillet 1924, 2 p. in-4° à l’encre bleue sur papier
gris
Superbe déclaration d’amour du Prince Ghika à son épouse Liane de
Pougy pour son anniversaire
« La saison, l’épuisement des petits espoirs, plaisirs
et déplaisirs permis par notre amour et les entraves de ce temps, nous ont
ramenés à la petite maison grise que borde la chanson liquide de la mer. Cette
grande grâce, cette douceur nous est donnée d’y célébrer une joie de plus le
jour de ta naissance. Il semble que ton corps nacré, ambré légèrement à cause
des navigations lointaines et des alliances de tes aïeux, surgissent chaque
fois, tout neufs et redonnant au monde sa lumière… Ton petit coin, dis-tu, –
notre point fixé dans l’immensité et les tempêtes de la vie. Elle est en même
temps grave et gaie, comme la véritable santé, comme tu es toi-même embellissant
mes jours de la seule beauté que je comprenne et que je goûte encore.
Une année a passé comme un coup de pinceau du phare devant nous. Quelques
atomes un instant ont dansé dans ce rapide éclat, prieure du Carmel, femme d’un
sénateur, princesse russe, etc. Les amitiés perfides ou bienfaisantes et tous
les ornements, et tous les mots, et toutes les saveurs. Tout cela pour nos
papilles et nos yeux vite amusés, vite déçus, emportés dans la sonde infernale
ou divine et puis pour moi n’est vivifié que par ta présence que j’adore.
George Ghika »
Figure centrale parmi les courtisanes de la Belle
Époque, Liane de Pougy (1869-1950) épousa en secondes noces, le 8 juin 1910, le
prince roumain Georges Ghika (1884-1945), neveu de la reine Nathalie de Serbie,
de quinze ans son cadet. Leur mariage fut parfaitement heureux seize ans
durant, jusqu’à ce que Ghika ne la quitte brusquement, en juillet 1926, pour
l’ultime conquête de sa femme (qui était ouvertement bisexuelle), une jeune
artiste de vingt-trois ans, la « mignonne et délicate » Manon Thiébaut, qu’il
emmène en Roumanie. Après cette séparation, Liane de Pougy retrouve son amour
de jadis, Nathalie Clifford Barney (1876-1972). Elles forment avec Mimi
Franchetti (1893-1943) un ménage à trois. Menacé de divorce, le prince finit
par revenir, mais leur relation devient difficile et chaotique.
Liane de Pougy s’offre en 1903 un port d’attache et
jette l’ancre à Roscoff et son dévolu sur le Clos-Marie, une belle maison
bourgeoise sur le port, au pied de la très jolie chapelle Sainte-Barbe du
XVIIème siècle. Tout au long de sa vie échevelée de courtisane, d’artiste et de
muse, elle s’y réfugiera à la belle saison, prenant ses quartiers d’été loin de
la nasse parisienne, recevant à sa table ses amis les plus chers, Max Jacob et
Cocteau, entre autres.